Justice , fiscalité et économie

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Fiscalité

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dimanche, janvier 6 2013

Il faut sauver le soldat de 75%

Christian Eckert, député, rapporteur général de la commission des finances s’exprimait récemment ainsi à propos de la censure par le conseil constitutionnel de la super taxe 75% :

« Commençons par rappeler l'objectif, qui est dissuasif. Nous ne cherchons pas à percevoir un impôt pour alimenter le budget de l'État, mais à éviter que des salaires supérieurs à un million d'euros par personne ne soient versés. Ce sont ces salaires exorbitants, en période difficile où on demande des efforts à tout le monde, qui choquent les Français. Alors, cette taxe, c'est une amende plus qu'un impôt. Nous disons : Si vous dépassez la ligne jaune, vous payez »

Le député Eckert a emprunté là la voie la plus intelligente pour sortir du ridicule de cette situation, disons la moins sotte ou, en fait, la seule possible.

Mais pour autant cet axe d’argumentation souffre trois défauts majeurs : la thèse est politiquement insincère ; et c’est une double sottise, légale et constitutionnelle.

La thèse est insincère

C’est, en effet, après coup que le député Eckert vient réécrire l’histoire et promouvoir l’effet dissuasif de la mesure plus que la motivation budgétaire. Tout au long de la campagne le candidat Hollande n’a cessé, non pas de dire , mais de laisser comprendre que les classes moyennes seraient épargnées et que l’équilibre budgétaire serait recherché par l’augmentation des impôts des « classes-favorisées-qui-ont-le-plus-et-qui-ont-tellement-profité-sous-la-présidence-précédente ». En communication, ce qu’on a communiqué c’est ce que l’autre a compris. Et ce que les électeurs de François Hollande ont compris c’est qu’il suffirait de taxer les plus riches, et que la taxe de 75% faisait bien partie du dispositif de retour à l’équilibre.

Alors M. Eckert a beau jeu maintenant de rappeler qu’elle n’aurait rapporté qu’un montant relativement faible sans grande incidence sur l’équilibre des comptes. Ce qui est parfaitement exact. Mais l’insincérité politique réside dans le fait qu’il eut fallu le dire avant et ne pas mentir par omission et même dissimulation pendant la campagne.

Il y a aussi une ambiguïté dans la thèse de M. Eckert. Sans qu’il précise clairement le sujet, on perçoit une fixation du propos sur la notion de salaire indécent, plus que de revenu. Il n’emploie que le mot « salaire ». Il faut rappeler la confusion qui régnait au début de septembre quand se déroulait une tentative de ne faire porter cette taxe que sur les salaires, réputés garantis, et d’en exclure les revenus d’activités réputés aléatoires des artistes et sportifs. On croit réentendre dans la thèse de M. Eckert cette même distinction. Ce serait les salaires qui, lorsqu’ils sont trop élevés, seraient indécents, pas les revenus des artistes et des sportifs. Devant la cacophonie et la bronca qui allait se lever, François Hollande avait alors tranché l’affaire en reprécisant le sens de la mesure : tous les revenus _ 1 Million par personne_ non conjugalisé. Et il avait pris soin de préciser qu’il revenait là au sens initial de la mesure. Il n’a jamais été question dans les propos du Président de cette notion d’amende que M. Eckert nous sert aujourd’hui.

Parler d’amende est une sottise au plan du droit.

Une amende est la sanction financière forfaitaire et libératoire d’une d’infraction à une disposition légale. Pour qu’il y ait amende il faut d’abord qu’il y ait infraction. Et les infractions sont définies par les différents codes, code pénal, code du travail, de la sécurité sociale…

Elles ne sont définies ni par une loi de finances, ni par le gouvernement, ni par les députés de la commission des finances.

Un montant de salaire supérieur à 1 million d’euros n’est pas aujourd’hui une infraction.

Sottise au plan du droit, mais combien révélatrice d’une grave et inquiétante confusion des pouvoirs. On en revient à la monarchie qui distribuait amendes et récompenses selon son bon vouloir.

Quand bien même une majorité qualifiée viendrait à introduire dans un code que le dépassement d’un certain niveau de salaire serait interdit, il y a fort à parier que cela serait jugé inconstitutionnel tant le rôle de la loi n’est pas de fixer une limite maximum à des salaires qui résultent de dispositions librement convenues entre des parties.

M. Eckert objectera certainement que le terme d’amende est une image et qu’il n’entendait pas faire référence à ses connotations légales. Il n’empêche : il n’appartient pas plus à une loi de finances de définir une infraction qu’au parlementaire d’intervenir dans la libre fixation des conditions de rémunération dans les entreprises privées, tant qu'elles restent conformes aux lois et règlements applicables.

Regretter le Conseil Constitutionnel n’ait analysé l’affaire que comme un impôt est aussi une monstrueuse sottise.

Qu’aurait-il donc pu faire d’autre ?

C’est bien une loi de finances qui lui a été soumise ; c’est à dire une loi qui fixe le montant des impôts et des dépenses. Il n’a pas été saisi d’un projet de définition d’une nouvelle infraction et du montant de l’amende correspondante.

Aurait-il du de lui-même réinterpréter le texte qui lui était soumis et faire naitre une matière législative nouvelle que le législateur n’avait pas créée ?

Ce n’est évidemment pas son rôle et cela aurait été une grave improvisation constitutionnelle.

Là aussi la position de M. Eckert est inquiétante par la légèreté qu’elle traduit d’avec le travail législatif et la séparation des pouvoirs.

En « voulant rattraper le coup », pour que la censure n’apparaisse pas comme une copie trop sévèrement annotée par le professeur de droit constitutionnel, Michel Charasse en l’occurrence, M. Eckert s’est précipité dans un vide politique juridique et constitutionnel abyssal. Gageons que l’ancien ministre, anciennement socialiste, Michel Charasse saura lui expliquer avec la verve dont il est capable. Pour une fois on en serait presque à regretter l’obligation de réserve des membres du Conseil Constitutionnel.

dimanche, décembre 16 2012

qui exonère les oeuvres d'art en novembre, injuriera Depardieu en décembre

Le Gégé a organisé son départ sans bruit et sans grande forfanterie. Un déménagement, un établissement permanent en Belgique, rien de plus légal que cela ; la Belgique est un pays européen et la libre circulation des personnes en Europe est à la base même de la construction européenne.

Ce n’est pas l’artiste qui a lancé la polémique. C’est le Premier Ministre qui a mis le feu aux poudres en traitant le comportement de Depardieu de minable.

Gérard Depardieu a répondu à cette seule attaque, en une lettre plutôt bien tournée qui a provoqué la bronca de la gente socialiste de gouvernement.

Plus que l’exil fiscal de Depardieu, c’est qu’il n’ait pas accepté de subir sans broncher l’attaque du Premier Ministre qui a provoqué les réactions indignées des groupies du premier pianiste.

Tous s’en sont allés d’une diatribe qui visait surtout à laver l’honneur bafoué de Jean-Marc Ayrault. On a même fait jouer la grosse caisse, avec Michel Sapin, le porte flingue de Hollande, toujours au front sur les coups difficiles. Il est mignon Michel Sapin avec des plans com à deux balles où il combine la fausse modestie de celui qui a des heures de vol en politique, tellement d’heures de vol qu’il pourrait même remplacer Ayrault si que des fois celui-ci en avait marre, et les références qui vont bien pour rappeler qu’il est le pote, le poteau, le frérot, du Président, le vrai conseiller, le vrai porte-parole de François.

Mais dans ce concert de diatribes, la plus intéressante est celle de Aurélie Filippetti. Comme ses camarades, elle s’est placée sur le terrain de la morale, du civisme, de la nécessaire solidarité en temps de crise, patin-couffin.

Alors il faut rappeler à tous, et plus particulièrement à la ministre de la culture que Gérard Depardieu ne fait qu’utiliser une disposition légale que d’autres ont pratiqué avant lui sans provoquer la moindre réprobation.

Il existe une convention fiscale entre la France et la Belgique ; sans doute est–elle là pour servir ; sans doute est-elle là pour organiser précisément l’installation d’un contribuable français en Belgique et vice-versa. Il est raisonnable d’escompter que ce qui a été mis en place avec du droit positif est légal et même légitime.

Ce qui est incompréhensible de la part de Mme Filippetti, c’est qu’elle pousse ces cris d’orfraies quelques semaines seulement après qu’elle s’est battue pour exonérer les œuvres d’art de l’ISF. A tous ceux qui font l’honneur de lire ces lignes et viennent de s’écrier en pensée, « mais cela n’a rien à voir ! », je demande de réfléchir objectivement quelques secondes et reconnaître que cela a tout à voir. C’est exactement le sujet. La position du gouvernement sur les oeuvres d’art est que cela conduirait à l’exil de celles ci ; en fait à l’exil fiscal de leurs possesseurs, car autrement, qu’il les détienne à l’étranger ou qu’il s’en sépare, l’amateur d’art domicilié fiscalement en France aurait continué à payer le même ISF. Le gouvernement a, en fait, exonéré les œuvres d’art pour éviter que les propriétaires soient tentés de l’exil.

Alors pourquoi reprocher à Depardieu de s’exiler ?

Parce que les socialistes ont une approche purement esthétique des raisonnements et de la justice. Est juste ce qui paraît juste à leurs yeux. Un collectionneur d’art est esthétique. Depardieu n’est pas esthétique.

Et aussi parce tout cela est fait à l’émotion, sans jamais approfondir la cohérence de l’ensemble. Et on soutient l’exonération des œuvres d’art en novembre et on injurie Depardieu en décembre.

samedi, octobre 13 2012

Le mot et l'idée.

La campagne présidentielle avait vu le futur ministre Bernard Cazeneuve atteindre des sommets dans l’outrance quand il avait utilisé le terme d’évasion fiscale pour qualifier le système de quotient familial. A sa décharge, il n’était alors qu’en campagne électorale, sans mandat, ou plutôt intervenant hors de ses mandats de l’époque.

Il a été rejoint sur les sommets de l’outrance par Mme Sandrine Mazetier, députée, lors de sa récente intervention en Commission des finances.

Mme Mazetier a félicité le gouvernement d’avoir supprimé le dispositif de prélèvement forfaitaire libératoire, dispositif qu’elle a qualifié de véritable délit d’initié; rien que cela !

Dans « délit d’initié », il y a « délit » et il y a "initié".

Un délit est, en droit :

- soit un fait juridique fautif ayant causé un dommage à autrui, que l'auteur doit dédommager, notamment par le paiement de dommages-intérêts : délit civil ou quasi-délit;

- soit une infraction pénale, qui est, en France jugée par un tribunal correctionnel : délit pénal.

Le délit d'initié est, plus particulièrement, un délit boursier que commet une personne qui vend ou achète des valeurs mobilières en se basant sur des informations dont ne disposent pas les autres ; l'utilisation ou la communication d'éléments privilégiés peuvent permettre des gains illicites lors de transactions boursières, qui sont interdits par la règlementation de contrôle des marchés financiers. On dit d'une personne qu'elle est initiée soit en vertu de ses fonctions de direction d'une entreprise cotée en bourse, soit parce que, dans l'exercice de ses fonctions, elle est amenée à détenir des informations privilégiées. Le code des marchés financiers réglemente le délit d'initié en disposant que l'initié qui aura réalisé ou permis de réaliser sur le marché boursier, directement ou par personne interposée, une opération avant que le public ait connaissance des informations privilégiées, commet un délit. Le délit d'initié fait partie des situations couvertes par la Directive européenne sur les abus de marché.

Comparer le dispositif du prélèvement libératoire à un délit d’initié est évidemment stupide et outrancier. Sans doute, Mme Mazetier reconnaitra que ses mots ont dépassé sa pensée et conviendra que la définition de «délit d’initié» ne s’applique en rien au dispositif du prélèvement libératoire.

Pour qu’il y ait délit, il faut en effet un auteur et un comportement fautif. Utiliser en toute transparence un dispositif parfaitement légal n’est pas un comportement fautif et les bénéficiaires du prélèvement libératoire ne sont fautifs de rien.

Quand à la notion de « délit d’initié », on est là complètement à contresens puisque le bénéficiaire du prélèvement libératoire, se détermine à partir des informations ouvertes à tous et ne bénéficie d’aucune information privilégiée.

Dans son développement, Mme Mazetier a précisé qu’elle reprochait en fait au système de prélèvement forfaitaire d’avoir été utilisé à bon escient par ceux qui étaient biens informés et à mauvais escient par d’autres qui l’avaient utilisé contre leurs intérêts.

Ainsi, selon Mme Mazetier, le délit serait donc d’interpréter correctement une information publique, connue de tous, et la victime du délit serait celui qui interprète mal et à son préjudice l’information publique.

Il faut rappeler à Mme Mazetier que les agissements contraires à l’intérêt de leur auteur n'ont jamais constitué un délit, ni pour les auteurs, ni encore moins pour les tiers. Pour le dire plus brutalement : n'en déplaise à beaucoup, la connerie n'est pas un délit.

Mais il est en fait assez improbable, contrairement à ce que dit la députée, que beaucoup de contribuables se soient ainsi fourvoyés ; les bataillons d’épargnants modestes qui auraient, à tort, choisi le prélèvement forfaitaire n’existent vraisemblablement que dans l’imagination de la députée ou dans celle de l'attaché parlementaire qui lui a rédigé son intervention. Les contribuables français ne semblent pas dénués d'intelligence pour comprendre qu'on n'a pas intérêt à un prélèvement forfaitaire à 19 ou 24% si son taux d'imposition marginale est inférieur. De plus, au moment de la souscription d’un instrument d’épargne ou d’investissement, l’intermédiaire financier appelle systématiquement l’attention de l’épargnant sur les options ouvertes. L’intermédiaire, le plus souvent le conseiller personnel au sein de l’agence de banque ou postale, connaît son client et réagit immédiatement à un choix contraire aux intérêts de l’épargnant.

Qu’une députée fasse un tel contre sens est tout sauf dérisoire.

Les députés sont désignés dans une circonscription, mais leur mandat est de voter la loi, dans l’intérêt de tous, sans considération des intérêts particuliers de la circonscription ni de ceux du parti d’origine. La responsabilité du député est immense ; elle appelle un travail approfondi. Le débat parlementaire se doit d’être tenu en vérité et en précision ; et la précision des mots et des idées est essentielle.

En faisant un tel contre sens, en accusant de comportement délictuel des contribuables parfaitement en règle, Mme Mazetier a ainsi gravement manqué à des obligations tout à fait essentielles au bon exercice de la démocratie.

En s’embarquant aussi légèrement sur un sujet sans vérifier ni analyser les faits, Mme Mazetier a aussi manqué à ses obligations d’approfondissement et de sincérité dans l’action parlementaire.

vendredi, octobre 12 2012

Casse toi, pauv mécène

Il ne faut évidemment pas exclure les œuvres d’art de l’ISF.

Le seul argument avancé par les tenants de l’exclusion de ces biens de l’assiette de l’ISF est que l’imposition provoquerait la fuite des biens à l’étranger. Pourquoi diantre certains redoutent ils que des biens taxés soient mis en vente par leur propriétaire ou transférés à l'étranger.

Rassurons ( ! ) les riches propriétaires d’art. Si vos œuvres venaient à être incluses dans l’assiette de l’ISF, vous éviteriez les affres de la tentation de l'exil, pour vous ou vos toiles . Pour deux raisons :

a) parce que vous saurez répondre à l’appel au patriotisme fiscal, aussi bien et même mieux qu'un riche industriel ou qu'un chanteur joueur de tennis

b) et aussi, ...parce que n’aurez aucun intérêt à le faire ….

En effet, à supposer que ces biens viennent à être taxés au titre de l’ISF, leur vente ne ferait plus baisser votre base d’imposition. L’actif artistique serait remplacé par un actif monétaire tout aussi imposable. la base d'imposition et l'impôt seraient inchangés.

Vous n'aurez donc aucun intérêt à vendre vos tableaux pour réduire votre ISF.

Vous n'en auriez pas plus à les transférer à l'étranger . Contribuable français, avec des intérêts économiques en France, et à supposer bien sûr que votre intention est de respecter la loi, vous devrez réintégrer la valeur de ces biens à l’étranger dans votre déclaration d’ISF.

Messieurs Hollande, Ayrault et Mme Filipetti se font donc un inutile tracas. Tant que les riches propriétaires restent respectueux de la loi, les oeuvres resteront en France.

La seule chose qui serait à redouter serait que certains, qui venaient à l'art comme le chien va à la niche fiscale, pour s'abriter de la pluie, se détournent du marché.

Et bien ce serait formidable ! on débarrasserait le marché de faux amateurs d'art, vrais collectionneurs de déductions. Le marché serait assaini de ces fauteurs de spéculations.

Mais peut être que Messieurs Hollande et Ayrault et Mme Filipetti redoutent plus, en fait, des stratégies d’évasion fiscale des contribuables personnes physiques et non pas le départ des œuvres d’art à l’étranger !

Alors que dans le cas commun, on condamne les stratégies d’évasion fiscale (casse toi pauvre riche !), ici l’Etat prend les devants et met une niche fiscale à disposition des mécènes pour leur éviter les affres coupables de l’évasion fiscale. Et quel mauvais procès fait aux propriétaires d'oeuvres ! ils ne seraient pas capables, eux, du même patriotisme fiscal qu'un Bolloré, ou un Noah ou un Arnault !

On n'est pas obligé de croire aux vertus de l'ISF ; mais si on y croit, alors oui , évidemment, il faut inclure les œuvres d’art dans l’assiette. Justifier l'exclusion des oeuvres d'art, c'est aller à l'encontre de l'ISF en général.

dimanche, septembre 9 2012

Comment brader sa cohérence ?

L’heure de vérité serait pour ce soir, dimanche 9 septembre.

Le Président va nous confirmer qu’il n’entend pas renoncer à la maîtrise des déficits et, peut-être, nous dira aussi comment il compte s’y prendre. Demain, donc, le quinquennat commence. Espérons que le Président se sera élevé au niveau qui convient dans l’approche des problèmes et des solutions à retenir. Le tumulte des derniers jours ne laisse pas forcément l’augurer.

Ce tumulte des derniers jours, même des dernières heures, n’a porté ni sur la Grèce, ni sur l’Italie, ni sur la BCE, ni sur PSA, ni sur la ratification du traité européen. Il n’a pas plus porté sur la Syrie, ni sur l’évolution de l’Egypte, ni sur le Nord-Mali.

Toute l’attention a été captée par l’affaire des 75%. Et il faut évidemment se désoler que le sort fiscal de moins de 1000 Français prenne le pas sur l’actualité riche d’enjeux d’une toute autre dimension.

Mais si cette mesure a provoqué un tel buzz, c’est bien parce qu’elle dénote d’une méthode effroyable et d’une confusion des valeurs effrayante.

Les détails de la mesure sont maintenant fixés et connus ; la mesure portera uniquement sur les salariés et sur la part salariale de leurs revenus. Les 75% interviendront comme une surtaxe, a priori de 23%, sur les revenus qui excèdent 1 000 000 d’euros pour un célibataire et le double pour un couple. Les 23% permettront d’atteindre une taxe marginale de 75%, CSG, Impôt sur le revenu et surtaxe confondue.

Les revenus des artistes, écrivains et sportifs, ne seront pas soumis à cette surtaxe. Pas plus que les revenus du capital, revenus fonciers, plus values, notamment celles issues de la revente d’une entreprise.

Il reste une incertitude sur les revenus des professions libérales. Si la taxe ne porte que sur les revenus salariaux, comme indiqué, elles ne devraient pas être concernées. Pour autant, elles n'ont jamais été citées parmi les professions exonérées.

Si François Hollande poursuit ainsi, la mesure des 75% lui restera tout au long de son quinquennat comme la faute originelle ; comme le Fouquet’s de Sarkozy.

Bien sûr, le ban et l’arrière-ban seront appelés à déclamer que cette mesure correspond très exactement, à la virgule près, à l’engagement de campagne.

On a vu ces derniers jours le story-telling se mettre en branle. La mesure annoncée dans la campagne n’aurait jamais visé que les patrons qui s’attribuent des rémunérations excessives. D’ores et déjà, les prises de parole du candidat Hollande sur ce sujet ont été analysées, triées, découpées au scalpel pour en extraire les mots qui servent cette thèse.

C’est évidemment faux. Aux paroles de Hollande qui servent cette thèse, on en opposera bien d’autres qui soumettent tous les revenus et toutes les sources de revenus à cette taxation. Et c’est bien ce que les Français ont retenu. Pourquoi Noah se serait-il porté volontaire enthousiaste pour payer une taxe qui ne lui était pas opposable ? Pourquoi Bruel aurait-il rejoint, avec un peu plus de réticence, la même position ? Pourquoi Arditi ? Pourquoi nous sommes-nous inquiétés des joueurs de foot ?

La mesure redéfinie est une reculade ; ce qui est en soi n’est pas condamnable.

Il vaut toujours mieux renoncer que de persévérer dans l’erreur.

Mais le sens de la mesure redéfinie est, au mieux illisible, au pire scandaleux.

Comment un gouvernement qui fait de l’alignement de la fiscalité sur le capital et sur le travail un objectif essentiel de justice, peut-il prôner une mesure qui ne touche que les revenus salariaux ?

Comment peut-on justifier que cette mesure laisse de coté les revenus des professions indépendantes ( AC pour les professions libérales ) et celles des loisirs ? Qu’est ce qui peut justifier qu’un cadre, même très supérieur, de l’industrie soit davantage taxé qu’un artiste de music-hall, qu’un acteur de cinéma, qu’un joueur de foot incapable d’aligner deux mots ?

La mesure va faire exploser toute la cohérence que François Hollande revendique. Il va brader son image, la structure de son programme, sa posture de modestie et d’honnêteté. Ce sera dévastateur pour lui et pour tout le gouvernement.

Car le « story-telling » n’y pourra mais. La vérité est là, bien visible :

La mesure a été vidée de son sens sous la pression des milieux amis de la gauche.

La justice que F Hollande revendique comme l’axe directeur de son action est une justice à géométrie variable. La justice c’est ce qui est juste à ses yeux. Il est juste qu’un acteur gagne 5 millions d’euros pour un seul film ; il est injuste qu’un cadre d’entreprise gagne plus de 1 million d’euros.

Ce n’est pas forcément le meilleur des logiciels pour affronter la modernité et les enjeux économiques qui nous sont posés.

samedi, août 25 2012

Bravo les artistes !

A l’erreur succéderait l'ignominie.

En juillet, le ministre du budget laissait paraître à quel point il était empêtré dans le problème de l'imposition à 75% des hauts revenus. Il n'évoquait pas moins que d'exclure de cette imposition les revenus des artistes, écrivains, sportifs et entrepreneurs, au sens des vrais entrepreneurs qui réalisent une plus-value en revendant leur entreprise ! Curieusement son annonce n’a pas provoqué le buzz qu’on aurait pu attendre Ainsi, après qu’on ait vilipendé les riches en général et les riches footballeurs en particulier, qu’on se soit inquiété de savoir si Noah et Bruel resteraient bien en France, redouté qu' Arditi ne vote à droite, cette affaire abracadabrantesque finirait en quenouille, par l'imposition des seuls salariés ?

N'en déplaise à ses partisans, la mesure d'origine, combinée à la CSG et à l'ISF, est quasi-confiscatoire. Les difficultés étaient donc prévisibles. La droite s’amusait d’avance du fait qu’elle concernerait d’abord et surtout des artistes, à tort ou à raison réputés proches de la gauche. Mais de là à imaginer que tout ceci finirait en une telle pantalonnade et un tel tour de passe-passe pour exonérer certaines catégories particulières de contribuables !

Le ministre du budget s'est d'abord abrité derrière une obscure distinction entre revenus garantis et revenus aléatoires. . On lui souhaite bien du plaisir pour décliner cette notion de façon juste et respectueuse de l'égalité des contribuables et pour déjouer les contournements possibles.

Ce ministre du budget, d'ordinaire inspiré, est là à contre-emploi, engagé en même temps à défendre une mesure qu'il n'a jamais approuvée et à y faire échapper des catégories amies de la gauche. C'est une situation bien sévère pour ce responsable politique compétent et honnête. Il boira le calice jusqu'à la lie, alliant la maladresse de la mesure initiale à l'ignominie d'une mesure purement catégorielle pour la préservation de riches artistes.

Mais cette justifucation a-t-elle des chances réelles de prospérer ? En choisissant d'abriter la volonté de préserver les artistes et écrivains derrière cette distinction entre revenus assurés et revenus incertains, il a choisi une voie étroite. Les artistes, les acteurs par exemple, signent des contrats qui définissent avec autant d'assurance qu'un contrat de travail leur rémunération. Certains de ces contrats sont d'ailleurs des contrats de travail à durée déterminée. Comment faire la part entre un contrat de dirigeant d'entreprise, souvent à durée déterminée, et un contrat d'artiste ? Les professions libérales seront-elles épargnées puisque, davantage même que les artistes, elles n'ont aucune garantie de revenus ? Les bonus des dirigeants, par construction non garantis, seront-ils également épargnés ? Dans la logique stricte de cette distinction selon le niveau d'assurance des revenus, il ne devrait plus rester dans le champ de cette mesure que les salaires fixes, hors rémunérations variables, des contrats à durée indéterminée. Il suffirait alors aux entreprises et bénéficiaires de transférer la part de salaire qui excède 1million d'Euros sur une part pseudo variable et l'imposition à 75 % aurait vécue.

Poursuivant son analyse et sa justification, le ministre du budget pointait que l'annonce de la mesure pendant la campagne avait été positivement reçue par les Français indignés de ces rémunérations excessives. "..il faut donc trouver une solution pour dissuader des rémunérations qui sont perçues comme illégitimes..." "...une très grande majorité de nos concitoyens sont exaspérés par ces rémunérations indécentes dont on apprend (...) que certains dirigeants se les attribuent dans des conditions parfois un peu légères.."

Le Ministre a eu, là aussi, particulièrement tort de choisir cet axe de justification. Il se place sur le terrain du jugement entre ce qui est légitime et ce qui ne l'est pas. Ce n'est pas le terrain du droit qui doit s'élever au dessus des jugements individuels et personnels.


Avec cette référence à l'opinion publique, il invente la démocratie par acclamation !

"Voulez-vous taxer plus les patrons qui se goinfrent ? "

"Oui ; ce sont des salauds!", répondait la foule en délire en jetant des bigorneaux.

"OK , ce sera 75% ! voulez-vous faire pareil pour Yannick Noah ? "

"Ah non!" répondait la foule, "il est sympa, lui"

L'éxonération des artistes et écrivains n'a évidemment pas été soumise à un sondage par acclamation. Le gouvernement interprète, seul, la réaction des Français et décrète que ceux ci seraient choqués des rémunérations des patrons mais approuveraient celles des sportifs, artistes, écrivains. Fable que cela ! Ce n'est évidemment pas la position des Français que le gouvernement exprime là, mais un jugement de gauche, et même plus précisément socialiste. Dans le cadre de pensée socialiste, ce n'est pas le montant d'une rémunération qui serait juste ou injuste, mais la nature du travail qui l'aurait générée. Plus d'un million d'euros, pour un dirigeant d'entreprise, c'est le mal absolu. Le même montant ou beaucoup plus pour jouer au ballon, faire du cinéma, chanter sur une scène, c'est de l'art. Tout est affaire de style.

Pour citer complètement le Ministre :

« Il faut donc trouver une solution pour dissuader des rémunérations qui sont perçues comme illégitimes (..celles des patrons..) et ne pas décourager une activité économique qui, qu'on le veuille ou non, provient souvent sinon toujours de l'enthousiasme, de l'envie, de l'idée, du talent d'hommes et de femmes (..des artistes..) »

« Après tout, on peut avoir envie de voir ces talents et ces idées rémunérés au niveau qu'ils souhaitent ».

Le ministre nous livrait ainsi le fond de son cœur : les hauts revenus ne sont illégitimes que s'ils proviennent de l'industrie, pas quand ils rémunèrent des talents qui évidemment ne sont que chez les artistes.

Et là, force est de constater, tant à la manière d' Audiard que de Bayrou, que le déconomètre fonctionne à pleins tubes. C'est même effrayant ! Ce ministre, ou ce gouvernement, nous invente l'imposition au mérite, ou plus précisément, à l'inverse, l'exonération fiscale au mérite. Comme Louis XIV distribuait des charges ou des titres, le gouvernement exonérerait tel ou telle, selon ses mérites :

" Les écrivains? c'est bon, à gauche ! les artistes? Pareil, exonérés ! » " Les capitaines d'indutrie à droite , taxés, sauf Pigasse et Bergé qui mettent du talent et de l'art dans leur management!" " Les avocats?.. Faut voir…il y a de tout parmi eux , pas question d'exonérer les avocats fiscalistes en tous cas !" " Les familles nombreuses ? À droite ! Exonération possible si et seulement si les gosses ne sont pas baptisés et ne vont pas aux scouts !" " Les journalistes ? C'est bon, à gauche ! Même ceux de droite, on peut en avoir besoin !" " Les chirurgiens ? À droite toute ! pour eux y'a pas photo "… (dommage pour Cahuzac!).

A l'erreur succédérerait l'ignominie.

Exagération? Pas vraiment ! C'est bien de cela dont il s'agit. Plus récemment le ministre tentait de se justifier en rappelant que la mesure avait été décidée après l'annonce de l'augmentation des patrons du CAC 40. La mesure ayant été motivée par le comportement des patrons, il n' y aurait pas de raison de pénaliser les artistes et les écrivains. La légèreté de cet argumentaire dans la bouche d'un ministre fait froid dans le dos, mais il n'a guère plus de chances de prospérer que la distinction entre revenus garantis et revenus aléatoires. S'il ne le sait pas, quelqu'un finira bien par enseigner au Ministre que l'impôt doit être prélevé équitablement à proportion des capacités de chacun et que ces capacités sont mesurées par le revenu, pas par le statut, ni par le mérite.

Au delà même de cette considération constitutionnelle, cette distinction entre entreprises et artistes est très naïve. Quand Johnny part en tournée, c'est bien une entreprise qui est mise en branle ; pourquoi serait il légitime que Johnny accapare un revenu plusieurs centaines de fois supérieur à celui distribué au technicien de scène ? Ou plutôt pourquoi ceci serait-il davantage légitime que dans une société industrielle "classique" ? On peut même, au contraire, penser que les abus sont plus condamnables dans le domaine artistique avec des personnels qui ne tirent pas, loin de là, leur rémunération principale de leur activité mais de leur statut d'intermittent du spectacle. (Cette incise ne vise pas ici à stigmatiser les intermittents, mais à souligner que l'écart des revenus entre professionnels des arts est d'autant plus scandaleux qu'il laisse une partie significative des salariés à charge de la collectivité).

Le Ministre est-il naïf ? Réalise-t-il que ses arguments sont irrecevables ? Qu'ils ne sont pas répubicains ? Et qu'il va se fracasser contre le mur de la constitutionnalité ?

Il n'est peut être pas si naîf. Il est à l'évidence carré et direct et semble ne pas apprécier qu'on le prenne pour une bille. Il n'a jamais caché qu'il n'était pas favorable à cette taxation à 75% que François Hollande a décidée sans l'avoir consulté. Nul doute que ses adversaires au sein même du gouvernement savourent de le voir à la bataille sur ce thème. Quelle meilleure manière de sortir de ce guépier que de pousser la mesure et la volonté de ses promoteurs à son paroxysme pour s'abriter ensuite derrière le Conseil Constitionnnel au moment de ranger l'affaire aux oubliettes.

lundi, avril 23 2012

La palme à Bernard Cazeneuve

Bernard Cazeneuve n'est pas n'importe qui. Député-maire, porte-parole de François Hollande, ancien élève de Sciences-Po, avocat, on s'attendrait à ce qu'il écrive joliment et sache aligner une ou deux idées. A cet égard, son dernier billet est bien décevant. Passons sur les fautes d'orthographe et sur la syntaxe approximative ! Elles seraient presque un motif d'indulgence. Il était peut être pressé, ou stressé. Mais tout le reste est à l'image. Il en fallait un ! ce sera donc lui ; la palme de la daube en communication! Mettez tous les mots et notions fumeuses qui trainent dans un faitout, rajoutez beaucoup d'eau, passez au four à micro-ondes ; servez ! Le clou de ce billet insipide est, sans conteste, la charge contre le quotient familial. Il faut citer (syntaxe et fautes d'orthographe d'origine) : "Réformer notre système fiscale, c'est s'élever contre l'exploitation de la politique familiale, comme source d'évasion fiscale. Son but c'est de favoriser la natalité. C'est pourquoi François Hollande prévoit de réformer le quotient familial. Les classes moyennes, pour qui l'évasion fiscale n'est pas une stratégie, ne seront pas concernées. Mais les classes populaires pourront, elles, pleinement en bénéficier, puisque la baisse du plafond du quotient familial permettra de financer une hausse de 25% de l'allocation de rentrée scolaire. Il ne s'agit pas là seulement d'un enjeu de justice, mais bien d'une décision garantissant l'efficacité du dispositif, les catégories populaires étant particulièrement sensibles à cet appui de l'Etat. Quant aux ménages les plus favorisés, ils pourront toujours profiter d'une réduction d'impôt sur le revenu, allant jusqu'à 8000 euros pour leur troisième enfant."

Fichtre ! Stratégie d'évasion fiscale à propos du quotient familial ! Il faut le lire ! Sous la plume d'un élu de la République, porte-parole du candidat favori à l'élection présidentielle ! Il faut le lire et le relire et essayer de discerner ce que ces phrases peuvent bien vouloir dire. La première plante le décor ; "il faut s'élever contre", induit que certains exploiteraient déjà la politique familiale comme moyen d'évasion fiscale. On ne dit pas qui mais, suivez notre regard! Il y en a des qui font des gosses pour faire de l'évasion fiscale, et même de la stratégie d'évasion fiscale. Mais qui ? La réponse vient de suite après : pas les classes moyennes, pour qui, c'est bien connu, l'évasion fiscale n'est pas une stratégie. Il y aurait donc deux manières de faire des gosses ; celle qui s'inscrit dans une stratégie d'évasion fiscale ; on imagine bien comment : cela se passe dans le noir, le dimanche matin, avant la messe ; et l'autre, la bonne, la républicaine, entre deux partenaires laïcs des classes moyennes. Et comment on les distingue ces deux modes de procréation aurait demandé le regretté Coluche ? facile ! Soit les parents saturent le plafond du quotient familial et ce sont des évadés fiscaux, soit ils ne saturent pas et ce sont des classes moyennes. A pousser un peu plus loin l'analyse de texte, on s'interroge sur cette idée de stratégie. A quel moment intervient la stratégie? Est-ce de procréer ou d'augmenter son revenu qui constitue l'évasion fiscale? Sachant que l'évasion fiscale est un délit ! Qu'un élu, porte-parole d'un presque futur Président de la République, un juriste, qualifie d'acte délictuel le fait d'avoir des enfants et/ou d'avoir un revenu supérieur à un certain seuil fait gravement peur. Un jour, il va leur demander de porter un signe distinctif, un petit badge bleu à la boutonnière, à ces adeptes de l'évasion fiscale. Qu'on n'aille pas les confondre avec des bons reproducteurs républicains !

++ Ci-dessous le texte intégral commis par M. Cazeneuve++

La crise de nos finances publiques est là. Elle constitue, avec l'expansion record du chômage, le mauvais héritage du quinquennat de Nicolas Sarkozy: 612 milliards d'euros de dette, des déficits qui se sont accumulés, des prévisions insincères qui ont entraîné la multiplication des lois de finances rectificatives, des bricolages en tout genre pour parachever les budgets sans aucune cohérence d'ensemble, à l'image de l'absurde taxe soda. Le tout avec un seul objectif : maintenir les largesses consentis en faveur des contribuables les plus favorisés. Telle aura été l'ardoise laissée au pays par le Président-sortant. Le régime fiscal d'une République se forge sur deux principes essentiels : la clarté du dispositif sans laquelle il n'y a pas de consentement à l'impôt, le respect des facultés contributives de chacun sans lequel il n'y a pas de justice fiscale. Ce que Nicolas Sarkozy a initié est aux antipodes de ces principes essentiels, garantis par notre constitution. A grands coups de provocations, il a institué un régime entièrement tendu vers le maintien de quelques privilèges. C'est ainsi que 45 taxes ont été introduites ou augmentées pour maintenir le bouclier fiscal et les réductions d'impôts sur le capital. En convoquant à chaque instant l'injustice, le pouvoir sortant a accru les inégalités et miné l'idéal républicain de l'égalité, comme ferment de l'unité et de l'indivisibilité de la République. Et si le mal s'est si profondément enkysté, c'est justement parce que la fiscalité irrigue l'ensemble de la société. Réformez ce système et vous phagocyterez le mal. Maintenez-le et vous le laisserez se développer en métastase, prendre de la puissance et achever notre République. C'est la raison pour laquelle, depuis bien longtemps, François Hollande s'est attaché à faire de la réforme fiscale, la pierre angulaire de son ambition de justice, celle qui conditionne la réussite de toutes les autres. Le modèle de Nicolas Sarkozy c'est l'imposition indirecte, avec la pénalisation sans préavis des plus modestes des français. L'augmentation du taux réduit de TVA de 5,5 à 7% et du taux global de 19,6 à 21,2% relève de cette pente funeste. Ce que propose François Hollande c'est de rétablir de la justice, de l'équité, bref de l'esprit républicain dans l'impôt. C'est la condition essentielle pour garantir le consentement, la compréhension et par la suite, l'efficacité de notre système fiscal. C'est ce qui différencie la gauche de la droite, la transparence d'un système simple d'un côté, l'opacité animée par des mesures techniques de l'autre, comme le gel du barème de l'impôt sur le revenu passé en catimini dans un plan de rigueur, pour faire payer 100 000 à 200 000 foyers populaires qui ne s'y attendaient pas en 2012 et 2013. La simplicité et l'équité exigent de rétablir de la cohérence et de l'égalité dans l'imposition sur le revenu. En 2012, l'impôt sur le revenu, mité qu'il est par les nombreuses niches fiscales, rapportera seulement 59 milliards d'euros, alors que la CSG, pensé initialement comme une contribution d'appoint, s'élève à 89 milliards. Il s'agit là d'un non sens absolu. François Hollande s'est donc engagé sur la voie de la fusion, qui passera d'abord par un rapprochement nécessaire pour mettre en œuvre techniquement cette vaste réforme. L'enjeu c'est également de réintroduire de la progressivité dans cet impôt. C'est la raison pour laquelle François Hollande plafonnera à 10 000 euros le niveau des niches fiscales sur une année, ou qu'il introduira une tranche à 45% pour les revenus supérieurs à 150 000 euros. L'efficacité d'un système fiscal c'est aussi de favoriser l'investissement, la production, la confiance en l'avenir. La hausse du taux d'épargne des ménages français, un sommet jamais atteint depuis 1982 de 16,8% du revenu de l'année 2011, témoigne de cette défiance dans l'avenir. Nicolas Sarkozy a créé les conditions du développement d'une société de la rente. Et l'on sait combien un tel développement est antinomique de l'émergence d'une économie dynamique, qui laisse une chance de réussite à sa jeunesse et qui ne creuse pas davantage les inégalités. L'enjeu ce n'est pas de lutter contre l'enrichissement par esprit dogmatique, c'est de mettre un terme à la reproduction injustifiée des richesses, à l'insolence de la rente, à l'arrogance de l'héritage. Il faudra engager une vaste réforme des prélèvements effectués sur les revenus du capital, pour réintroduire leur fiscalisation tant en stock qu'en flux. Il s'agira de mettre un terme à cette anomalie absurde, qui veut que les revenus du patrimoine puissent être fiscalisés à 21% grâce au prélèvement libératoire, alors que les revenus du travail sont aujourd'hui fiscalisés jusqu'à 40%. C'est rétablir une imposition sur l'ensemble du patrimoine en revenant sur le démantèlement incompréhensible de l'ISF voté par l'UMP. C'est la raison pour laquelle il faudra également, pour revenir à la situation antérieure, exhumer le plafonnement à 85% des revenus et réinscrire la taxation des droits de successions au delà de 100 000 euros par enfant. Le dernier enjeu consiste enfin à utiliser l'instrument fiscal pour mettre un terme aux absurdités de notre économie. Comment peut-on accepter que des patrons qui s'opposent opiniâtrement aux hausses de salaires de leurs salariés puissent s'octroyer parallèlement une augmentation de 34% de leurs rémunérations, comme cela s'est produit pour les dirigeants du CAC 40 ? C'est la raison pour laquelle François Hollande a proposé d'imposer à 75% toute rémunération supérieure à un million d'euros par an. Réformer notre système fiscale, c'est s'élever contre l'exploitation de la politique familiale, comme source d'évasion fiscale. Son but c'est de favoriser la natalité. C'est pourquoi François Hollande prévoit de réformer le quotient familial. Les classes moyennes, pour qui l'évasion fiscale n'est pas une stratégie, ne seront pas concernées. Mais les classes populaires pourront, elles, pleinement en bénéficier, puisque la baisse du plafond du quotient familial permettra de financer une hausse de 25% de l'allocation de rentrée scolaire. Il ne s'agit pas là seulement d'un enjeu de justice, mais bien d'une décision garantissant l'efficacité du dispositif, les catégories populaires étant particulièrement sensibles à cet appui de l'Etat. Quant aux ménages les plus favorisés, ils pourront toujours profiter d'une réduction d'impôt sur le revenu, allant jusqu'à 8000 euros pour leur troisième enfant. Rétablir de la justice, de la cohérence, de la clarté dans notre système fiscal, c'est une préoccupation que François Hollande défend depuis de nombreuses années. La politique de Nicolas Sarkozy a été celle de l'injustice fiscale. Inaugurée par la loi TEPA introduisant le bouclier fiscal, elle s'est conclue par la hausse de la TVA, comme pour achever dans une forme de cohérence, la seule du quinquennat, un mandat d'injustice. En fiscalité comme en toute autre matière, l'enjeu c'est le changement ou la continuité, la justice ou la fuite en avant dans l'aggravation des inégalités.

vendredi, mars 2 2012

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