Justice , fiscalité et économie

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Injustices

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samedi, octobre 27 2012

Il voit des riches partout !

François Hollande a vraiment un problème avec les riches.

Avec presque tous les riches. Il a bien sûr "ses riches", comme les bourgeois ont "leurs pauvres", ou les racistes "leurs immigrés",… qui sont des gens bien, vous savez ! Très méritants ! : Pigasse, Bergé, Fabius, Pulvar, Arditi, Noah…

Non, voyez-vous, le problème avec les riches, ce ne sont pas ces gens de goût qui soutiennent la gauche et placent leurs économies dans des œuvres d’art. Le problème… ce sont les autres, cette grande majorité des riches, ces cadres qui travaillent dans l’industrie, la banque (à part Pigasse bien sûr), qui gagnent plus que 4000 Euros par mois. Encore que ces gens de l’industrie et des entreprises, il faudrait aussi distinguer ceux qui sont dans les petites entreprises et ceux qui sont dans les grandes sociétés. Ce sont vraiment ces derniers qui posent problème !

Intervenant sur le sujet des complémentaires santé, il découvrait et s’étonnait que « Quatre millions de personnes » ne sont pas couvertes par une complémentaire santé (mutuelle, assurance ou contrat de prévoyance). Pour y remédier, il annonçait une vaste refonte des aides et des taxes qui concernent le secteur. Les aides atteignent « 4 milliards d'euros », relevait-il et représentent « un gâchis financier ». Car « ceux qui en profitent sont plutôt des cadres de grandes entreprises que des salariés à temps partiel. Quant aux chômeurs et aux retraités, ils ont les plus grandes difficultés à s'offrir une complémentaire ».

Encore une fois c’est la faute des riches qui détournent l’argent public pour se payer des complémentaires santé !

Puisqu’on est sur le terrain de la santé, on pourrait suggérer à François Hollande que tout se soigne, même un grave problème psychologique avec les riches.

Les complémentaires santé, objets des foudres de François Hollande, sont les contrats collectifs obligatoires dans les entreprises. Mis en place selon une procédure précise, après concertation des instances représentatives des salariés, ils ont un caractère obligatoire. Tous les salariés doivent adhérer. Les résultats techniques (couverture des dépenses par les cotisations) sont ensuite mesurés entreprise par entreprise et discutés avec le Comité d’Entreprise. Les cotisations sont partagées entre employeur et salarié. La part employeur, sous réserve que la procédure de mise en place ait été respectée, est exonérée de cotisation sociale et fiscale. La part salariale est déduite du revenu imposable.

Ce sont là des avantages appréciables mais qui ne profitent pas spécialement aux cadres des grandes entreprises comme dit François Hollande. Ces systèmes sont par construction collectifs. Ils ne peuvent être mis en place qu’au profit de tous les salariés de la société, cadres supérieurs, cadres, non cadres. Tout le monde en bénéfice du smicard au dirigeant (s’il est salarié de la société). Et pour certains de ces contrats, notamment les plus anciens, la cotisation pour le risque santé est indexée sur le salaire, créant ainsi une forme supplémentaire de redistribution. Et ils n’existent pas que dans les grandes entreprises, mais aussi dans de nombreuses PME, dans les établissements publics et dans la fonction publique.

Les avantages sociaux et fiscaux attribués à ces régimes sont l’indispensable contrepartie du caractère obligatoire de ces régimes.

Alors il faudrait que François Hollande nous explique un peu mieux les raisons de son indignation. Avant de se faire enguirlander, on aimerait bien comprendre. Qui a fauté ? L’entreprise ? Où le bénéficiaire ?

Ces systèmes de complémentaires santés sont de véritables avancées sociales. Ils profitent à des millions de salariés, de toutes catégories et de tous niveaux de revenus. Il faut chercher à les étendre, particulièrement vers les petites entreprises qui ne les ont pas mis en place, plutôt que les faire disparaître. Supprimer les avantages sociaux et fiscaux provoquera la fin des systèmes. Pourquoi les salariés seraient ils obligés d’adhérer à un système d’entreprise qui n’amène pas d’avantage ? Ils, particulièrement les plus hauts revenus, revendiqueront, la liberté d’aller vers le système de leur choix, notamment les systèmes à cotisation fixe ; les revenus les plus bas perdront le bénéfice de la redistribution apportée par les cotisations indexées sur les salaires. Et les entreprises se retireront aussi du jeu ; leur intérêt et leur légitimité à mettre en place un régime obligatoire disparaîtraient avec la suppression des avantages.

Ce sont donc des systèmes appréciables qui organisent une forme particulière de solidarité. Ils véhiculent des valeurs de gauche. Il est plus qu’étrange que François Hollande n’y ait vu que des dispositifs en faveur des riches cadres des entreprises, alors qu’ils profitent aux ouvriers, employés, fonctionnaires, agents de la fonction publique, et aux revenus modestes, plus qu’aux revenus supérieurs qui subissent l’effet de redistribution imposé par ces régimes.

François Hollande,… tout se soigne !

vendredi, août 31 2012

Justice fiscale et journalisme

Alors, c'est juste ou ce n'est pas juste que les journalistes bénéficient d'un abattement sur leur revenu imposable ?

Une pétition circule avec difficultés sur le Net pour réclamer la suppression de l'avantage fiscal des journalistes. Sans surprise elle ne fait pas la une des journaux ; le désintérêt des journalistes pour qu'un tel sujet soit porté au débat est flagrant. Et puis la pétition a été lancée par une organisation, l'UNI, connue ni pour son ouverture d'esprit ni pour la mesure de ses arguments. C'est d'ailleurs une chance pour les journalistes que ce soit cette organisation qui ait pris l' initiative de la protestation contre l'avantage fiscal des journalistes. Leur défense n'en sera que plus facile.

Et pourtant, malgré la réputation sulfureuse de l'UNI, le débat mériterait d'être posé.

A l'heure de la justice dont le Gouvernement veut que toute chose procède, on ne peut pas ne pas s'interroger sur la pertinence d'une telle mesure.

Les journalistes peuvent déduire de leur revenu imposable une somme de l'ordre de 7000 euros au titre de leurs frais d'emploi ; sans préjudice de l'abattement de 10% pour frais professionnels que déduisent tous les salariés. Cela représente un gain de 0 à 2800 euros selon que le journaliste est non imposable ou, à l'inverse, imposé dans la tranche supérieure. Et bientôt, pour les mieux lotis qui seront assujettis à la nouvelle tranche à 45 % ce sera un peu plus de 3100 euros de cadeau fiscal. De nombreux journalistes aux revenus modestes, mais ni plus ni moins modestes que ceux d'un instituteur ou d'une infirmière, se retrouvent non imposables. Et la jurisprudence, soucieuse de cohérence, a établi que ces 7000 euros devaient également être retirés du revenu pour le calcul des seuils de conditions de ressources pour le calcul de la cantine, des prestations de la CAF, etc.

Alors cet avantage est il juste ou injuste?

Ses promoteurs s'aventurent en général dans trois directions :

- la première est passablement usée et bien peu de supporters tentent encore de l'emprunter ; elle consiste à défendre mordicus que ces 7000 euros sont bien représentatifs de frais d'emploi; et de citer pêle-mêle l'ordinateur à la maison, les sorties à Paris pour rester branchés sur le monde, les abonnements à des revues pour la même raison… comme si les autres salariés n'étaient pas tenus, eux, de fréquenter la vie et le monde… comme si la déduction de 10 % était insuffisante, comme s'il n'y avait pas possibilité d'opter, en cas de situation exceptionnelle pour les frais réels Mais les tenants de cette cause perdue se font de plus en plus rares; laissons les s'éteindre en paix.

- la seconde est plus prisée ; elle consiste d'abord à rappeler que les stars du petit écran si bien payées sont peu nombreuses et que la grille de salaire de la profession est, au contraire, plutôt basse. On trouvera la thèse développée sur le site du SNJ ; encore que le développement est assez court et s'en tient à affirmer que les salaires de la profession sont plus bas que pour des cadres de niveau comparable...point, à la ligne ! En matière de militantisme affirmation vaut toujours mieux que démonstration.

- La troisième est proche de cette dernière mais rajoute la notion essentielle d'aide à la Presse. Cet avantage fiscal serait une aide à la Presse, l'Etat venant rétablir un revenu décent là ou les entreprises de presse n'auraient pas les moyens de rémunérer correctement leurs journalistes ; tout ceci pour garantir la diversité de la Presse.

Ces justifications sont en vérité irrecevables :

En premier lieu, il faut rappeler que nous sommes encore dans un Etat de droit et même de droit écrit. Le texte doit prévaloir sur les improvisations. Et les mots doivent avoir un sens. La Loi de finances votée chaque année par nos députés inscrit une mesure relative à la déduction de "frais d'emploi". C'est absolument extraordinaire, et extraordinairement inquiétant, que l'on s'accommode aussi facilement de la Loi de finances ; les députés votent une mesure liée à des prétendus frais d'emploi et les commentateurs, ministres inclus, indiquent à voix haute qu'il s'agirait en fait d'une mesure de compensation salariale. Et ainsi va la vie, paisible, le droit, la Constitution, la légitimité et le pouvoir des parlementaires, la dignité de leur fonction, foulés aux pieds ; et toujours au prétexte que cela concerne une corporation estimable ou que cela sert la diversité de la Presse.

Il n'est pas inutile de noter que le Code des Impôts précise que l'Administration n'a pas le droit de demander justification des frais d'emploi, signant là, s'il en était besoin, la tartufferie de la situation.

Mais au delà même de cette tromperie, il n'est évidemment pas dans les missions de l'Etat de corriger la grille de salaire d'une profession par le truchement d'une niche fiscale. Ce n'est tout simplement pas le rôle de l'impôt. L'impôt doit être prélevé à concurrence des capacités de chacun. Et les capacités de chacun ne sont mesurées que par le revenu, pas selon les mérites ou caractéristiques des professions qui ont généré ce revenu.

L'Etat n' a pas, non plus, à venir aider un secteur presque entièrement privatisé et possédé par de grands groupes industriels ou financiers - Bouygues, Lagardère, Dassault, Rothschild – qui se devraient de rémunérer correctement tous leurs employés, qu'ils aient ou non une carte de presse. L'Etat entretiendrait alors le système en encourageant un déséquilibre, les entreprises intégrant l'avantage fiscal dans leurs raisonnements pour fixer les salaires des journalistes.

Enfin, on remarquera que les professions de l'information et du divertissement étant toujours davantage mêlées, la frontière du journalisme et de l'animation est brouillée. Les prestations de Mme Pulvar chez Ruqier étaient éligibles à cette défiscalisation. Les animateurs du Petit Journal de Canal ont eux aussi obtenu une carte de Presse et le bénéfice fiscal qui va avec.

A l'heure de la justice, à l'aune de laquelle toute chose doit maintenant être mesurée, cet avantage n'est juste qu'une niche fiscale indéfendable.

dimanche, août 19 2012

Capitaine de pédalo?

En quelques semaines après son élection, François Hollande, amateur de foot, s'est peut être placé dans un « corner » dont il aura du mal à s'extraire.

Il a gagné les primaires socialistes sur le terrain de la social-démocratie, contre Martine Aubry, plus radicale, plus tranchée et plus tranchante, moins sympathique. François Hollande, réputé pour son humour, pour sa recherche des compromis, offrait une image consensuelle qui n'a pas été pour rien dans sa victoire aux primaires.

La campagne présidentielle a démarré par un long silence qui a fait douter les gens pressés. Puis, ce fut le triomphe du premier meeting et de la publication du programme, en fait soixante propositions, destiné à être brandi contre toute critique : "J'ai un programme, tout y est écrit, tout sera fait…"

De ces soixante propositions, seuls la foi du militant ou l'aveuglement de l'opposant à Nicolas Sarkozy permettaient de dire qu'elles constituaient un programme. Avec le recul, elles étaient, trop nombreuses, de simples pétitions de principe, peu détaillées, mal ajustées les unes ou autres, ne dégageant pas de ligne cohérente.

Très vite ensuite la campagne s'est placée sur deux thèmes principaux et deux thèmes auxiliaires qui se prolongent encore aujourd'hui :

- L'anti sarkozysme, thème porteur pendant la campagne, celui qui a véritablement fait gagner Hollande et qui s’est poursuivi, après l'élection, par le dé-tricotage de certaines des mesures les plus marquantes du quinquennat précédent ; - la justice, notion mal définie, souvent confondue avec l'effacement des inégalités ; - la chasse aux riches, déclinaison du précédent, thème auxiliaire mais que François Hollande trainera longtemps comme un handicap, exacte symétrique de la fascination de son prédécesseur pour le monde de l'argent ; - La « normalitude », toujours en opposition à son prédécesseur, qui tournera vite à l'absurde et lui sera renvoyée dans les dents quand, il faut le souhaiter, il se pliera au rythme de la fonction et à l'utilisation des outils qui conviennent ; ou quand les charmes du fort de Brégançon auront lassé sa compagne.

L'anti sarkozysme a dépassé le temps de la campagne ; les premières mesures, pour défaire ce que le prédécesseur avait fait visaient à annuler la période Sarkozy, à faire qu'elle n'aurait jamais existé. Ce n'est pas de très bonne politique ; le temps de la succession, pendant lequel on peut imputer au prédécesseur la responsabilité des difficultés est forcément limité ; mais ce temps limité, François Hollande la consommé trop goulument ; en défaisant aussi vite et aussi systématiquement les mesures phares du quinquennat de Nicolas Sarkozy, il a obtenu, comme il le souhaitait, l'effacement du prédécesseur et précipité le temps où il devient lui, le nouveau, pleinement comptable de la situation.

La TVA sociale consistait à transférer des charges sociales patronales sur la consommation par le biais d'un relèvement du taux normal de la TVA. La gauche et François Hollande ont de suite poussé des cris d'orfraies au motif que la TVA était un impôt profondément injuste puisqu'il porte avec le même taux quelle que soit la richesse du consommateur. L'argument de l'allègement du coût du travail et du renchérissement des importations n'a pas pesé lourd dans la balance. La mesure a été immédiatement annulée au nom de la justice et au motif véritable de balayer l'héritage Sarkozy. C'était sans compter sur la Cour des comptes et son président qui, dans les conclusions de l'audit demandé par la nouvelle équipe, pointent l'impérieuse nécessité de relever un impôt à large assiette. C'était sans compter sur les conclusions du sommet social et notamment de l'atelier sur la ré-industrialisation animé par Louis Gallois qui pointe, lui, la nécessité d'opérer un transfert massif ( 30 milliards ) des charges des entreprises vers la CSG revenant là à une idée fort proche de celle de la TVA sociale. Un bref instant séduite par l’idée, l'équipe en place s'est employée d'abord à en expliquer toute la différence avec la TVA sociale, celle-ci jugée définitivement injuste même si elle ne portait pas sur les produits de première nécessité. Il faudra beaucoup de naïveté ou beaucoup de foi militante aux intrépides qui voudront démontrer que la hausse de la CSG est juste là ou celle de la TVA serait injuste. Jérôme Cahuzac, ministre du budget a étrangement fermé le piège qui se tendait autour de François Hollande, en déclarant qu'il ne pouvait être question d'augmenter la CSG puisque cela ne faisait pas partie des engagements de campagne. Et François Hollande est ainsi dans un « corner ». Ou bien il se prive d'une mesure intelligente et puissante pour retrouver l'équilibre budgétaire et/ou relancer la compétitivité du travail, ou bien il se fait conspuer pour plagier la TVA sociale par une mesure de même nature en vérité et qui n’a même pas l’avantage de taxer les produits importés.

C’est à l’aune de la justice aujourd'hui que toute chose est mesurée. Cette justice-là, nulle part n'est définie. Ce n'est qu'un principe, une pétition de principe. C'est la justice de François Hollande ; et plus précisément, dans le mode de pensée de celui-ci, c'est le contraire de l'injustice à ses yeux. Une famille de riches qui profite du quotient familial, c'est injuste, point final ! Peu importe que le quotient familial ait été instauré pour mettre de la justice, que l'on dit « horizontale », entre familles avec et sans enfants. Le rationnel n'a pas sa place ici. François Hollande revisite le droit et trouve injuste que le quotient familial n'ait pas de dimension « verticale » (redistribution des riches vers les moins riches), ce qu'il n'a jamais eu. La justice n'a ici rien à voir avec le droit et la loi ; est injuste ce qui n'est pas égalitaire. Et bein pire encore : est injuste ce qui profite à celui qui ne nous ressemble pas. La famille en Renault Espace, catho, donc de droite, bafoue la justice la plus élémentaire en profitant du quotient familial. L'avantage fiscal des journalistes que rien d'avouable ne peut pourtant justifier, est juste, au sens de cette justice personnelle et constamment improvisée. Il y a coté royal à cette justice là. Le monarque définit lui-même ce qui est juste et injuste. Cette justice-là, qui ne procède que du jugement du Prince n'ira pas loin. Elle se fissurera très vite par gros temps, confrontée à la complexité des situations.

La « chasse aux riches » sera à François Hollande l'exacte symétrique de la réception au Fouquet's de Sarkozy. L'une et l'autre sont l'inopportune irruption dans le débat politique d'un rapport malsain à l'argent. Sarkozy aime l'argent et ses symboles, et l'assume au-delà du bon goût et des exigences de la fonction présidentielle. François Hollande a un rapport plus contrarié à l'argent. Il se pose comme un homme désintéressé. Mais ce désintérêt est celui des riches. L'argent ne l'intéresse pas à condition de n'en jamais manquer. N'ayant jamais eu à compter, il ne sait pas très bien combien il gagne. Interrogé par deux fois pendant la campagne sur son salaire, il répond différemment et de manière fort imprécise. Mais par deux fois, il se limite à citer ses salaires nets de député et de président de conseil général. Les avantages considérables (7000 euros/mens nets, non imposables et sans justification) sont passés sous silence ; c'est pourtant ce qui fait la différence entre un riche et un très très riche. Il faut effectivement être très riche, l'avoir été toujours été et être persuadé de ne jamais manquer pour ne pas savoir exactement combien on gagne. Celui pour qui la fin du mois commence le 10 connait son salaire, en brut, en net, ses allocations, ses impôts s'il en paie, tout cela au centime prés. Il faut être très riche et l'avoir toujours été pour dire qu'on est riche à partir de 4000 euros par mois. C'est tout aussi naïvement bourgeois que ne pas connaitre le prix de la baguette de pain ou du ticket de métro. Pour François Hollande, la richesse n'est pas une notion économique ; c’est une notion esthétique. La richesse c'est le mauvais goût associé à l'argent. Une montre de prix, ostentatoire, c'est de mauvais goût ; c'est un signe de richesse. Un scooter qui donne un look urbain et décontracté, fût-il extrêmement cher à l'achat et à l'entretien, n'est pas un signe de richesse. Bolloré qui prête un yacht à Sarkozy est un riche. Pierre Bergé, qui finance la campagne de Ségolène Royal et investit dans des galeries d'art à l'étranger, n'est ni un riche ni un exilé fiscal ; c'est un mécène. Tout est affaire de goût.

Comme les bourgeois, François Hollande sait mettre une limite à son désintérêt de façade lorsqu'il en viendrait à entamer le patrimoine. L'ISF lui pose un sérieux problème d'image. Avec un patrimoine de 1 Meuros, après séparation d'avec son ancienne compagne, il aurait dû normalement être assujetti à l'ISF ancienne formule qui démarrait à 0,8 Meuros. La désarkozysation forcée de ces dernières semaines s'est bien gardée de revenir à cet ancien seuil, épargnant ainsi François Hollande. L'histoire jugera et, bien évidemment, quand le gros temps médiatique viendra, elle jugera mal et sévèrement. On dira alors que ce seuil conservé à 1,3 Meuros ne visait qu'à l'épargner. Et puis on poussera plus loin l'analyse et on questionnera ses impositions passées avec ses compagnes successives.



Avec ce rapport complexe à l'argent, François Hollande s'est embarqué dans une grossière chasse aux riches. Début 2012, la nécessité de rehausser les prélèvements sociaux et fiscaux était largement perçue dans l'opinion, riches et moins riches confondus. François Hollande a commis deux erreurs majeures : - opposer les uns aux autres et plus précisément désigner les riches à la vindicte populaire ; - laisser croire que les catégories modestes et moyennes pourraient être épargnées. - Quand il fallait appeler les riches à une plus grande solidarité, on les a ostracisés ; quand il fallait préparer l'esprit des moins riches à la rigueur, on leur a promis qu'ils ne seraient pas touchés. Et ainsi on s'est retrouvé mi-juillet avec, parmi les premières mesures, la fin de la défiscalisation des heures supplémentaires. Pour traiter la perplexité des classes modestes qui se trouvaient ainsi les premières pénalisées, on a en a rajouté dans la communication sur l'ISF. Alors que d'habitude la communication gouvernementale s'évertue à atténuer les effets d'une mesure d'alourdissement fiscal, on a, cette fois, fait l'inverse pour mettre en exergue la sévérité de la mesure anti-riches et calmer l'amertume des humbles: "vous avez vu ce qu'on leur a mis ! ah !, ils ne l'ont pas volé ces salauds de riches !"

Tout ceci pour 7,5 Milliards d'euros. Il faut maintenant en trouver 35 en 2013 pour simplement atteindre le niveau de déficit visé, et 30 de plus (environ) si on veut réaliser le choc de compétitivité pour nos entreprises. Et François Hollande a payé cash ces 7,5 milliards en liquidant le sarkozysme et en consommant toutes ses mesures phares de campagne.

A partir du 20 août 2012, il est seul comptable de la suite, sans ligne directrice et, pire, avec le redoutable obstacle des classes moyennes qui croient, à bon droit, puisque entretenues dans cette idée, être épargnées ; et après avoir abandonné à l'avance les deux seules cartouches à la mesure de l'enjeu : la TVA et la CSG.

La « normalitude » tournera au ridicule. Aller en train à Brégançon est approprié, mais rouler en convoi à 170 km/heure sur une autoroute ouverte est totalement irresponsable.

Passer ces vacances à Brégançon, c'est gentillet ; on verra combien de temps cela durera. Mais cela ne dispensera pas les critiques d'aller rechercher le coût de l'ouverture et de l'entretien d'une telle demeure. Critiques forcément injustes… mais à s'habiller de blanc on invite l'observateur à scruter la moindre tâche.

François Hollande s'est embarqué pour ce quinquennat avec des idées et des axes directeurs faibles et sans cohérence. Avec un tel gréement bon marché et si peu solide, il a peu de chance de tenir le gros temps. Capitaine de pédalo?

mercredi, février 29 2012

De la richesse et des zaizées

De la richesse, de la justice, des classes moyennes, des z'aisées et autres sujets du jour. Le candidat François Hollande a établi et présenté un programme qui fait la part belle à un relèvement du prélèvement fiscal sur les entreprises et les ménages les plus aisés, ceux-là même qui auraient le plus bénéficié des avantages accordés par Nicolas Sarkozy au cours des cinq dernières années, tout au moins selon François Hollande. Ce serait ainsi faire justice à une injustice. La justice fiscale aurait peut-être mérité, plutôt que cette dialectique revancharde, une démonstration des mérites intrinsèques de la politique fiscale proposée. Et sans aborder le fond même de la réforme fiscale envisagée, il faut relever que cette justification par opposition ne tient pas la route. Examinons et comparons pour cela la décomposition des avantages des fiscaux accordés par la droite et celle du "paquet Hollande". Selon les socialistes eux-mêmes, les avantages fiscaux accordés par Nicolas Sarkozy seraient de 75 milliards en 5 ans, soit 15 milliards par an. Les socialistes ont peiné à en établir le montant total et la décomposition définitive ; en particulier ils ont hésité à inclure "l'avantage Copé" qu'on peut pourtant difficilement associer à la période. Ils se sont également résignés à inclure, pour atteindre le chiffre déjà annoncé de 75 milliards, la défiscalisation des heures supplémentaires, mesure certainement contestable, mais dont on a beaucoup de mal à attribuer le bénéfice aux classes favorisées. Mais là, la dialectique a triomphé de la difficulté, et la défiscalisation des heures supplémentaires a été désignée sous l'appellation délicieuse : "Subvention du chômage, mesures absurdes sur les heures supplémentaires" ; chef d'œuvre de rhétorique révolutionnaire qui nous venait plutôt, au bon vieux temps, de la place du Colonel Fabien.



Les bénéficiaires des mesures Sarkozy sont donc: - Les entreprises qui ont réalisé des plus-values lors de la vente de filiales (niche Copé) - Les entreprises en général - Les salariés qui ont effectué des heures supplémentaires exonérées d'impôt sur le revenu. (Rappelons que l'entreprise y trouve certes un avantage mais pas d'ordre fiscal ; le bénéfice fiscal comptabilisé dans le paquet des 75 milliards est exclusivement dégagé par les salariés) - Les particuliers qui ont hérité - Les contribuables fortunés, plus précisément ceux qui ont encaissé (ou qui ont su organiser) un revenu modeste par rapport à leur fortune et bénéficier du bouclier fiscal. - Les assujettis à l'ISF qui ont vu leur imposition baisser en 2011, et, pour certains, ont été exonérés - Les détenteurs d'actions, particuliers ou entreprises qui ont encaissé des dividendes François Hollande, lui, propose de (viser) « l'équilibre budgétaire en fin de mandat. Pour atteindre cet objectif, je reviendrai sur les cadeaux fiscaux et les multiples « niches fiscales » accordés depuis dix ans aux ménages les plus aisés et aux plus grosses entreprises. Cette réforme de justice permettra de dégager 29 milliards d'euros de recettes supplémentaires. ». Les mesures concernent : - Une nouvelle tranche d'impôt à 45 % pour les hauts revenus (supérieurs à 150000 euros par part) - Une nouvelle baisse du plafond de la déduction pour frais professionnels, à 10 000 Euros qui concernera donc les revenus individuels supérieurs à 100 000 Euros (ce plafond s'applique séparément sur chaque membre du foyer fiscal) - Une baisse du plafond du quotient familial qui touchera les familles avec enfants à partir d'un revenu variable selon la composition de la famille. - Un plafonnement des avantages tirés des niches fiscales à 10 000 Euros par foyer fiscal et qui toucherait une population difficilement identifiable aujourd'hui faute des détails de la mesure (quelles niches seront couvertes par ce chapeau? Comment s'appliquera ce plafond aux avantages récurrents déjà accordés comme les dispositifs de type Loi Scellier?) - L'annulation des allègements d'ISF décidés en 2011 qui touchera tous les assujettis. Ainsi les mesures Sarkozy ont principalement favorisé les entreprises et les détenteurs de capitaux, François Hollande propose des mesures qui pèseront sur ceux qui disposent de hauts revenus à partir de 100 000 Euros, voire moins pour les familles (exception faite de la dernière proposition sur l'ISF mais qui serait l'annulation d'une mesure très récente qui n' a pas encore porté). Sans juger du fond des mesures proposées par le candidat Hollande, il faut constater que la justification qu'il en apporte, par opposition aux mesures de la droite, ne tient pas la route. Ce ne sont pas les mêmes catégories de foyers fiscaux. La détention de revenus élevés ne préjuge ni de l'état de fortune, ni de la détention de capitaux mobiliers procurant des dividendes, ni de l'assujettissement à l'ISF et encore moins du bénéfice du bouclier fiscal. Sans parler évidemment du bénéfice d'heures supplémentaires défiscalisées : les professions qui permettraient d'atteindre un revenu de 100 000 Euros ont rarement bénéficié dans les années passées d'heures supplémentaires défiscalisées ! Le cadre supérieur, qui n'a pas hérité, qui n'a pas gagné au loto, qui a terminé de rembourser une résidence principale achetée en haut de cycle… n'a en rien profité des mesures Sarkozy,… mais est directement visé par les mesures Hollande. L'amalgame qui est fait par le candidat François Hollande et par ses supporteurs est malsain. On y décèle une confusion entre revenu et patrimoine, et un parfum suranné de lutte des classes. Les riches ont profité sous Sarko, qu'ils paient maintenant !… et même qu'ils paient pour les heures supplémentaires défiscalisées de la classe populaire ! Puisque la classe possédante a distribué des heures supplémentaires défiscalisées au prolétariat pour mieux l'asservir en subventionnant le chômage.. .que les familles aisées avec enfants, forcément suppôts du clergé et du capitalisme paient maintenant pour cela ! Cette dialectique est aussi nauséabonde qu'inutile. Personne ne se grandit en proposant des mesures contenant le même degré de parti pris que celles qu'on entend combattre. Cette justification par opposition aux mesures Sarko n'aurait pas été nécessaire si le candidat avait placé son argumentation à charge ou à décharge sur le seul terrain de la logique fiscale, de l'équité et même de la justice, sous réserve toutefois que ces notions aient été sereinement définies. Tout dans les propositions de François Hollande peut être justifié par une logique et par des choix politiques assumés : - L'impôt est progressif, c'est un fait ! Ceci résulte d'une décision collective ancienne que personne ne conteste. Ajuster la progressivité en haut de barème par une nouvelle tranche est une décision politique totalement acceptable qui reste dans la logique du principe de progressivité de l'impôt.

- Idem pour le plafonnement des frais professionnels ou de l'avantage tiré des niches fiscales.

- Idem pour le plafonnement du quotient familial. Le quotient familial est d'une logique incontestable, sauf à faire les contre sens que certains ont fait pour réclamer sa suppression; le quotient est indissociable de la progressivité de l'impôt et son plafonnement est inhérent à ce même système ; dès lors, le candidat est totalement légitime lorsqu'il propose de baisser un petit peu ce plafond. Alors qu'il avait tout en mains pour justifier son programme, ligne à ligne, mesure par mesure, par des choix politiques assumés, il a choisi cette curieuse posture de Robin des Bois qui reprend aux classes aisées ce dont les classes possédantes se seraient indument gavées. Et dans ces amalgames rejaillissent tous les malentendus et les archaïsmes d'une gauche écartelée entre la social-démocratie et le socialisme révolutionnaire. Que faire des classes moyennes? Les prendre à bord évidemment, pour les mettre du côté de ceux qui ont souffert sous Sarkozy et à qui on doit réparation. Où commencent et ou finissent les classes moyennes. Il n'en existe pas de définition économique incontestable. Et les socialistes sont un peu embarrassés avec cette notion. Les classes moyennes sont celles qui ne sont ni riches ni pauvres. Au-dessus de "moyen" il y a "riche". La borne haute de la classe moyenne c'est le seuil de la richesse. François Hollande a d'ailleurs un peu précisé ce seuil. "Qu'on ne vienne pas me dire qu'à six fois le SMIC, on est encore de la classe moyenne! ". Donc 6 fois le SMIC, pour un foyer fiscal, puisque c'était là le cadre d'analyse qui prévalait lorsqu'il a fait cette précision, c'est largement riche. Ce seuil était évidemment là pour dégager de "l'accusation" de richesse les bataillons d'électeurs que le PS veut mobiliser. Mais l'exercice a ses limites. Parce que si avec 6 fois le SMIC on est largement "riche, c'est peut-être qu'avec 5 fois le SMIC, on commence à l'être un peu. Un couple d'ingénieurs, de professeurs certifiés, de fonctionnaires, de journalistes, ce sont là des populations accessibles au vote socialiste et qui pourtant tombent des nues quand on les désigne comme riches. Les errements sur le quotient familial s'analysent sous cet angle. Dans un premier temps les ultra ont revendiqué sa suppression, certains que cela ne toucherait que des familles nombreuses forcément aisées, ignorant la contraception, catho tendance intégriste et électrices de De Villiers ; donc perdues pour la gauche. Curieusement, et montrant là l'échelle des préoccupations, ce fut la première mesure annoncée. Et si elle a été retirée ce n'est évidemment pas parce ses promoteurs ont réalisé qu'elle était basée sur un contre-sens total, mais parce qu'elle allait heurter de plein fouet un électorat socialiste ; d’où la mesure très atténuée qui a été annoncée et qui laisser indemne les familles jusqu'à 6 fois le SMIC. Sur la fiscalité, le mouvement socialiste est dans une impasse terrible. Il ne pourra jamais concilier son idée de la redistribution qui le conduit à ne taxer qu'une part toujours plus faible des foyers fiscaux avec la nécessité d'augmenter les recettes fiscales. Taxer davantage les plus aisés est indispensable à la cohésion sociale, Mais ne plus taxer que les très riches ne permet pas de lever des recettes à la hauteur d'un projet socialement ambitieux. Aujourd'hui une part prépondérante de l'impôt sur le revenu est prélevée sur une minorité de contribuables. 9 % des foyers fiscaux détenant ensemble 25% du revenu taxable paient ensemble 70% de l'impôt total collecté et 56% des foyers recevant ensemble 28% du revenu taxable sont imposés négativement, c'est-à-dire qu'ils reçoivent un crédit d'impôt . Entre les deux 47% du revenu taxable ne fournit que 32% de l'impôt.

Regonfler cette courbe, ne plus la creuser, est indispensable si on veut restaurer le rendement de l'impôt. Cela veut dire taxer davantage des tranches de population qu'on s'est efforcé depuis de longue date de faire toujours davantage échapper à l'impôt. Ce serait l'honneur d'un président de gauche d'affronter cette contradiction. La réalité est cruelle; une politique de gauche nécessite un bon rendement de l'impôt. Et il est illusoire de penser qu'on pourra tout prélever sur la tranche supérieure des revenus. .