François Hollande n’est pas “voileux”; il n’a certainement pas fréquenté la célèbre Ecole des Glénans capable de faire de n’importe quel citadin un parfait skipper. Il n’a pas dû non plus souvent feuilleter le manuel du même nom.

La cape, (et non pas le cap) est une allure ; et même une allure noble, enseignée aux Glénans. Elle permet d’essuyer un coup de tabac, récupérer un homme à la mer, voire prendre tranquillement l’apéro à bord.

On met à la cape en bordant le foc ou le génois à contre, en choquant la grand-voile et en poussant la barre sous le vent. Les effets du vent sur le foc à contre et sur la grand-voile se contrarient. La marche vers l’avant du bateau est stoppée. Les effets perpendiculairement à l’axe du bateau du vent sur le foc et la grand-voile, par contre, se conjuguent et font dériver le bateau.

L’allure est confortable ; les vagues, même si elles arrivent de travers, font monter et descendre le bateau sans roulis excessif. On peut, et c’est le but, réparer une avarie, repérer l’homme à la mer et organiser sa récupération, ou sortir les chips et le rosé … mais en restant vigilant : le bateau n’est plus manoeuvrant, la barre est sans effet et la dérive du bateau est forte. On ne met à la cape que si on a suffisamment d’eau à filer sous le vent, de telle sorte que la dérive ne vienne pas pousser le bateau à la côte ou sur un obstacle.

Sans l’avoir jamais appris, tel un M. Jourdain d’eau de mer, François Hollande a un sens inné de la cape. Pendant des années, à la tête du Parti Socialiste et de ses courants, il a géré toutes les situations en mettant à la cape, un courant sur un bord, un autre sur l’autre bord, la barre poussée, pour bloquer toute avance et laisser le parti dériver gentiment.

En juillet 2012, en habit de président cette fois, il a mis le bateau France à la cape.

Ni le gouvernement ni le Président ne se sont rendus compte que le bateau était à la cape, foc bordé à contre, barre inopérante, dérivant vers les rochers :

Maitrise des déficits réaffirmée mais TVA sociale écartée, hausse de la CSG écartée, classes moyennes assurées d’être épargnées et traité européen promis à la ratification . Effectif total des fonctionnaires bloqué, mais non remplacement de deux fonctionnaires sur trois dans les ministères non prioritaires démenti par le Président…

Fin août, le skipper, le barreur et les équipiers ont été sortis de leur torpeur par les clameurs de ceux qui, à gauche comme à droite hurlaient à l’immobilisme. « Tout le monde sur le pont ! » a ordonné le skipper; « Faites quelque chose et faites le savoir ! ». Alors ils et elles sont montés sur le pont ; pas tous ni toutes en fait ; les plus sages, comme la ministre de la francophonie, ont su garder leur calme, rester au fond de la cabine et ne pas se mêler au tumulte du pont ; attitude à laquelle elle semble exceller. Mais les autres, les vifs, les braves, les pur sang, les-qui-en-veulent, les bons soldats, les-qui-sont-pas-venus-là-pour-une-croisière-tranquille se sont précipités ; et chacun d’empoigner qui une écoute, qui la grand-voile, qui une manivelle de winch ; l’un a poussé la barre, l’autre a bordé la voile, un troisième s’est porté à l’avant, la main en visière pour scruter l’océan. Peillon envoie la morale à la laïque ; Hollande file jouer à domicile dans un collège « Youri Gagarine ». Duflot invente un nouveau dispositif Scellier, mais moral parce moins intéressant ( dixit ) ; comme quoi elle commence à comprendre comment on met à la cape ; sur son élan elle offre des terrains à des municipalités qui les avaient déjà achetés. Cahuzac et Filipetti aux écoutes, chacun sur un bord, prêts à bondir, règlent leurs comptes. « Pub à la télé » dit Cahuzac ; « Que nenni ! Tout ce qui touche à l’art est à moi » dit Aurélie. Montebourg enfin : partout ; à l’avant : pas la peine ! L’ancre n’est pas mouillée, inutile de la relever ! Au pied de mât, cheveux au vent, pour étarquer la grand-voile bien visible, et à l’arrière, à coté du barreur pour la photo. Moscotechno, patriarche, la main possessive sur la future banque d’investissement pour les PME, « ça c’est à moi ! Montebourg, tu_ te_ casses !»

Bonne fille, l’écoute au vent a fini par se libérer ; le foc est passé sur l’autre bord ; les deux voiles ont porté et le bateau a lofé…

…jusqu’à se mettre bout au vent.

Se mettre bout au vent, c’est aussi une bonne manière d’arrêter un bateau, à condition cette fois de renoncer au confort. Autant la cape peut aller avec le pastis, autant un bateau bout au vent est un manège de fête foraine. Les voiles fasseillent, le bateau tape, roule, le barreur hurle pour se faire entendre, les équipiers verdissent, la grand-voile passe d’un bord sur l’autre…

Le bout au vent c’était notre séquence de cette semaine.

Fourneyron qui redescend sur mer après tous ces JO croit bien faire en livrant les sportifs en pâture ; "ils seront imposés à 75% comme les autres ! " Raté ! Cahuzac a indiqué dés juillet que les 75% ne concerneront ni les artistes ni les sportifs. Et du coup ça fuite un peu depuis Bercy ; on confirme pour préparer l’opinion : pas pour les sportifs, pas pour les artistes, à partir de 2 Meuros de salaire fixe garanti, CSG et CRDS incluses… Cela ne concerne plus que les cadres dirigeant, 1000 dit-on. Absolument impossible, il n’y a pas 1000 salariés gagnant plus de 1 million d’Euros. Dans les 1000 avoués il y a à l’évidence des professions libérales, mais qui devront être épargnées au motif que leurs revenus ne sont pas garantis. Le Parti Communiste hurle au foutage de gueule. La droite pointe le cadeau fait aux amis du PS.

Sapin qui a refait son retard sur son terrain avec les emplois d’avenir et de génération, vient prêter main forte aux copains : « mais si mais si les promesses seront intégralement tenues y compris les 75% » . Mosco : « tout à fait ! les 75% on les fera, mais avec des adaptations, des modalités intelligentes, de la solidarité mais pas de brutalité, pour encourager l’investissement et la prise de risque ( sic ! prise de risques? pour les artistes?)… patin couffin.. » Hollande monte au créneau ; manque de préparation, il monte à la volée , confirme mais oublie de prononcer le mot magique. « On fera les 75%! Je l’ai dit ça ! Et on les fera comme j’avais dit : 75% sur les revenus au dessus de 1 Meuro ».

Cahuzac s’étrangle : Hollande a oublié de préciser « salariaux » ; on lui avait pourtant bien dit : « les revenus salariaux » !

Six mois de boulot pour sortir les artistes de cette mesure ! tout ça fichu en l'air en 10 secondes ! Cahuzac prend ses RTT et file à la piscine.

PS : Pour continuer à filer la métaphore nautique, ce que vient de faire Hollande s’appelle un « surpattage ». Au moment de virer de bord, le bout lié de l’écoute au vent est venu au dessus des tours passés sur la toupie du winch. La tension extrêmement forte bloque l’écoute. Le bateau va à la cape … mais cette fois sans possibilité d’en sortir en souplesse. Une seule chose à faire ; débloquer coûte que coûte l’écoute : utiliser l’autre winch pour tirer comme un âne sur le brin coincé.. ou aller chercher le couteau. Tirer comme un âne ou utiliser le couteau, il doit bien y en avoir qui savent autour du Président.