De la richesse, de la justice, des classes moyennes, des z'aisées et autres sujets du jour. Le candidat François Hollande a établi et présenté un programme qui fait la part belle à un relèvement du prélèvement fiscal sur les entreprises et les ménages les plus aisés, ceux-là même qui auraient le plus bénéficié des avantages accordés par Nicolas Sarkozy au cours des cinq dernières années, tout au moins selon François Hollande. Ce serait ainsi faire justice à une injustice. La justice fiscale aurait peut-être mérité, plutôt que cette dialectique revancharde, une démonstration des mérites intrinsèques de la politique fiscale proposée. Et sans aborder le fond même de la réforme fiscale envisagée, il faut relever que cette justification par opposition ne tient pas la route. Examinons et comparons pour cela la décomposition des avantages des fiscaux accordés par la droite et celle du "paquet Hollande". Selon les socialistes eux-mêmes, les avantages fiscaux accordés par Nicolas Sarkozy seraient de 75 milliards en 5 ans, soit 15 milliards par an. Les socialistes ont peiné à en établir le montant total et la décomposition définitive ; en particulier ils ont hésité à inclure "l'avantage Copé" qu'on peut pourtant difficilement associer à la période. Ils se sont également résignés à inclure, pour atteindre le chiffre déjà annoncé de 75 milliards, la défiscalisation des heures supplémentaires, mesure certainement contestable, mais dont on a beaucoup de mal à attribuer le bénéfice aux classes favorisées. Mais là, la dialectique a triomphé de la difficulté, et la défiscalisation des heures supplémentaires a été désignée sous l'appellation délicieuse : "Subvention du chômage, mesures absurdes sur les heures supplémentaires" ; chef d'œuvre de rhétorique révolutionnaire qui nous venait plutôt, au bon vieux temps, de la place du Colonel Fabien.



Les bénéficiaires des mesures Sarkozy sont donc: - Les entreprises qui ont réalisé des plus-values lors de la vente de filiales (niche Copé) - Les entreprises en général - Les salariés qui ont effectué des heures supplémentaires exonérées d'impôt sur le revenu. (Rappelons que l'entreprise y trouve certes un avantage mais pas d'ordre fiscal ; le bénéfice fiscal comptabilisé dans le paquet des 75 milliards est exclusivement dégagé par les salariés) - Les particuliers qui ont hérité - Les contribuables fortunés, plus précisément ceux qui ont encaissé (ou qui ont su organiser) un revenu modeste par rapport à leur fortune et bénéficier du bouclier fiscal. - Les assujettis à l'ISF qui ont vu leur imposition baisser en 2011, et, pour certains, ont été exonérés - Les détenteurs d'actions, particuliers ou entreprises qui ont encaissé des dividendes François Hollande, lui, propose de (viser) « l'équilibre budgétaire en fin de mandat. Pour atteindre cet objectif, je reviendrai sur les cadeaux fiscaux et les multiples « niches fiscales » accordés depuis dix ans aux ménages les plus aisés et aux plus grosses entreprises. Cette réforme de justice permettra de dégager 29 milliards d'euros de recettes supplémentaires. ». Les mesures concernent : - Une nouvelle tranche d'impôt à 45 % pour les hauts revenus (supérieurs à 150000 euros par part) - Une nouvelle baisse du plafond de la déduction pour frais professionnels, à 10 000 Euros qui concernera donc les revenus individuels supérieurs à 100 000 Euros (ce plafond s'applique séparément sur chaque membre du foyer fiscal) - Une baisse du plafond du quotient familial qui touchera les familles avec enfants à partir d'un revenu variable selon la composition de la famille. - Un plafonnement des avantages tirés des niches fiscales à 10 000 Euros par foyer fiscal et qui toucherait une population difficilement identifiable aujourd'hui faute des détails de la mesure (quelles niches seront couvertes par ce chapeau? Comment s'appliquera ce plafond aux avantages récurrents déjà accordés comme les dispositifs de type Loi Scellier?) - L'annulation des allègements d'ISF décidés en 2011 qui touchera tous les assujettis. Ainsi les mesures Sarkozy ont principalement favorisé les entreprises et les détenteurs de capitaux, François Hollande propose des mesures qui pèseront sur ceux qui disposent de hauts revenus à partir de 100 000 Euros, voire moins pour les familles (exception faite de la dernière proposition sur l'ISF mais qui serait l'annulation d'une mesure très récente qui n' a pas encore porté). Sans juger du fond des mesures proposées par le candidat Hollande, il faut constater que la justification qu'il en apporte, par opposition aux mesures de la droite, ne tient pas la route. Ce ne sont pas les mêmes catégories de foyers fiscaux. La détention de revenus élevés ne préjuge ni de l'état de fortune, ni de la détention de capitaux mobiliers procurant des dividendes, ni de l'assujettissement à l'ISF et encore moins du bénéfice du bouclier fiscal. Sans parler évidemment du bénéfice d'heures supplémentaires défiscalisées : les professions qui permettraient d'atteindre un revenu de 100 000 Euros ont rarement bénéficié dans les années passées d'heures supplémentaires défiscalisées ! Le cadre supérieur, qui n'a pas hérité, qui n'a pas gagné au loto, qui a terminé de rembourser une résidence principale achetée en haut de cycle… n'a en rien profité des mesures Sarkozy,… mais est directement visé par les mesures Hollande. L'amalgame qui est fait par le candidat François Hollande et par ses supporteurs est malsain. On y décèle une confusion entre revenu et patrimoine, et un parfum suranné de lutte des classes. Les riches ont profité sous Sarko, qu'ils paient maintenant !… et même qu'ils paient pour les heures supplémentaires défiscalisées de la classe populaire ! Puisque la classe possédante a distribué des heures supplémentaires défiscalisées au prolétariat pour mieux l'asservir en subventionnant le chômage.. .que les familles aisées avec enfants, forcément suppôts du clergé et du capitalisme paient maintenant pour cela ! Cette dialectique est aussi nauséabonde qu'inutile. Personne ne se grandit en proposant des mesures contenant le même degré de parti pris que celles qu'on entend combattre. Cette justification par opposition aux mesures Sarko n'aurait pas été nécessaire si le candidat avait placé son argumentation à charge ou à décharge sur le seul terrain de la logique fiscale, de l'équité et même de la justice, sous réserve toutefois que ces notions aient été sereinement définies. Tout dans les propositions de François Hollande peut être justifié par une logique et par des choix politiques assumés : - L'impôt est progressif, c'est un fait ! Ceci résulte d'une décision collective ancienne que personne ne conteste. Ajuster la progressivité en haut de barème par une nouvelle tranche est une décision politique totalement acceptable qui reste dans la logique du principe de progressivité de l'impôt.

- Idem pour le plafonnement des frais professionnels ou de l'avantage tiré des niches fiscales.

- Idem pour le plafonnement du quotient familial. Le quotient familial est d'une logique incontestable, sauf à faire les contre sens que certains ont fait pour réclamer sa suppression; le quotient est indissociable de la progressivité de l'impôt et son plafonnement est inhérent à ce même système ; dès lors, le candidat est totalement légitime lorsqu'il propose de baisser un petit peu ce plafond. Alors qu'il avait tout en mains pour justifier son programme, ligne à ligne, mesure par mesure, par des choix politiques assumés, il a choisi cette curieuse posture de Robin des Bois qui reprend aux classes aisées ce dont les classes possédantes se seraient indument gavées. Et dans ces amalgames rejaillissent tous les malentendus et les archaïsmes d'une gauche écartelée entre la social-démocratie et le socialisme révolutionnaire. Que faire des classes moyennes? Les prendre à bord évidemment, pour les mettre du côté de ceux qui ont souffert sous Sarkozy et à qui on doit réparation. Où commencent et ou finissent les classes moyennes. Il n'en existe pas de définition économique incontestable. Et les socialistes sont un peu embarrassés avec cette notion. Les classes moyennes sont celles qui ne sont ni riches ni pauvres. Au-dessus de "moyen" il y a "riche". La borne haute de la classe moyenne c'est le seuil de la richesse. François Hollande a d'ailleurs un peu précisé ce seuil. "Qu'on ne vienne pas me dire qu'à six fois le SMIC, on est encore de la classe moyenne! ". Donc 6 fois le SMIC, pour un foyer fiscal, puisque c'était là le cadre d'analyse qui prévalait lorsqu'il a fait cette précision, c'est largement riche. Ce seuil était évidemment là pour dégager de "l'accusation" de richesse les bataillons d'électeurs que le PS veut mobiliser. Mais l'exercice a ses limites. Parce que si avec 6 fois le SMIC on est largement "riche, c'est peut-être qu'avec 5 fois le SMIC, on commence à l'être un peu. Un couple d'ingénieurs, de professeurs certifiés, de fonctionnaires, de journalistes, ce sont là des populations accessibles au vote socialiste et qui pourtant tombent des nues quand on les désigne comme riches. Les errements sur le quotient familial s'analysent sous cet angle. Dans un premier temps les ultra ont revendiqué sa suppression, certains que cela ne toucherait que des familles nombreuses forcément aisées, ignorant la contraception, catho tendance intégriste et électrices de De Villiers ; donc perdues pour la gauche. Curieusement, et montrant là l'échelle des préoccupations, ce fut la première mesure annoncée. Et si elle a été retirée ce n'est évidemment pas parce ses promoteurs ont réalisé qu'elle était basée sur un contre-sens total, mais parce qu'elle allait heurter de plein fouet un électorat socialiste ; d’où la mesure très atténuée qui a été annoncée et qui laisser indemne les familles jusqu'à 6 fois le SMIC. Sur la fiscalité, le mouvement socialiste est dans une impasse terrible. Il ne pourra jamais concilier son idée de la redistribution qui le conduit à ne taxer qu'une part toujours plus faible des foyers fiscaux avec la nécessité d'augmenter les recettes fiscales. Taxer davantage les plus aisés est indispensable à la cohésion sociale, Mais ne plus taxer que les très riches ne permet pas de lever des recettes à la hauteur d'un projet socialement ambitieux. Aujourd'hui une part prépondérante de l'impôt sur le revenu est prélevée sur une minorité de contribuables. 9 % des foyers fiscaux détenant ensemble 25% du revenu taxable paient ensemble 70% de l'impôt total collecté et 56% des foyers recevant ensemble 28% du revenu taxable sont imposés négativement, c'est-à-dire qu'ils reçoivent un crédit d'impôt . Entre les deux 47% du revenu taxable ne fournit que 32% de l'impôt.

Regonfler cette courbe, ne plus la creuser, est indispensable si on veut restaurer le rendement de l'impôt. Cela veut dire taxer davantage des tranches de population qu'on s'est efforcé depuis de longue date de faire toujours davantage échapper à l'impôt. Ce serait l'honneur d'un président de gauche d'affronter cette contradiction. La réalité est cruelle; une politique de gauche nécessite un bon rendement de l'impôt. Et il est illusoire de penser qu'on pourra tout prélever sur la tranche supérieure des revenus. .