L’heure de vérité serait pour ce soir, dimanche 9 septembre.

Le Président va nous confirmer qu’il n’entend pas renoncer à la maîtrise des déficits et, peut-être, nous dira aussi comment il compte s’y prendre. Demain, donc, le quinquennat commence. Espérons que le Président se sera élevé au niveau qui convient dans l’approche des problèmes et des solutions à retenir. Le tumulte des derniers jours ne laisse pas forcément l’augurer.

Ce tumulte des derniers jours, même des dernières heures, n’a porté ni sur la Grèce, ni sur l’Italie, ni sur la BCE, ni sur PSA, ni sur la ratification du traité européen. Il n’a pas plus porté sur la Syrie, ni sur l’évolution de l’Egypte, ni sur le Nord-Mali.

Toute l’attention a été captée par l’affaire des 75%. Et il faut évidemment se désoler que le sort fiscal de moins de 1000 Français prenne le pas sur l’actualité riche d’enjeux d’une toute autre dimension.

Mais si cette mesure a provoqué un tel buzz, c’est bien parce qu’elle dénote d’une méthode effroyable et d’une confusion des valeurs effrayante.

Les détails de la mesure sont maintenant fixés et connus ; la mesure portera uniquement sur les salariés et sur la part salariale de leurs revenus. Les 75% interviendront comme une surtaxe, a priori de 23%, sur les revenus qui excèdent 1 000 000 d’euros pour un célibataire et le double pour un couple. Les 23% permettront d’atteindre une taxe marginale de 75%, CSG, Impôt sur le revenu et surtaxe confondue.

Les revenus des artistes, écrivains et sportifs, ne seront pas soumis à cette surtaxe. Pas plus que les revenus du capital, revenus fonciers, plus values, notamment celles issues de la revente d’une entreprise.

Il reste une incertitude sur les revenus des professions libérales. Si la taxe ne porte que sur les revenus salariaux, comme indiqué, elles ne devraient pas être concernées. Pour autant, elles n'ont jamais été citées parmi les professions exonérées.

Si François Hollande poursuit ainsi, la mesure des 75% lui restera tout au long de son quinquennat comme la faute originelle ; comme le Fouquet’s de Sarkozy.

Bien sûr, le ban et l’arrière-ban seront appelés à déclamer que cette mesure correspond très exactement, à la virgule près, à l’engagement de campagne.

On a vu ces derniers jours le story-telling se mettre en branle. La mesure annoncée dans la campagne n’aurait jamais visé que les patrons qui s’attribuent des rémunérations excessives. D’ores et déjà, les prises de parole du candidat Hollande sur ce sujet ont été analysées, triées, découpées au scalpel pour en extraire les mots qui servent cette thèse.

C’est évidemment faux. Aux paroles de Hollande qui servent cette thèse, on en opposera bien d’autres qui soumettent tous les revenus et toutes les sources de revenus à cette taxation. Et c’est bien ce que les Français ont retenu. Pourquoi Noah se serait-il porté volontaire enthousiaste pour payer une taxe qui ne lui était pas opposable ? Pourquoi Bruel aurait-il rejoint, avec un peu plus de réticence, la même position ? Pourquoi Arditi ? Pourquoi nous sommes-nous inquiétés des joueurs de foot ?

La mesure redéfinie est une reculade ; ce qui est en soi n’est pas condamnable.

Il vaut toujours mieux renoncer que de persévérer dans l’erreur.

Mais le sens de la mesure redéfinie est, au mieux illisible, au pire scandaleux.

Comment un gouvernement qui fait de l’alignement de la fiscalité sur le capital et sur le travail un objectif essentiel de justice, peut-il prôner une mesure qui ne touche que les revenus salariaux ?

Comment peut-on justifier que cette mesure laisse de coté les revenus des professions indépendantes ( AC pour les professions libérales ) et celles des loisirs ? Qu’est ce qui peut justifier qu’un cadre, même très supérieur, de l’industrie soit davantage taxé qu’un artiste de music-hall, qu’un acteur de cinéma, qu’un joueur de foot incapable d’aligner deux mots ?

La mesure va faire exploser toute la cohérence que François Hollande revendique. Il va brader son image, la structure de son programme, sa posture de modestie et d’honnêteté. Ce sera dévastateur pour lui et pour tout le gouvernement.

Car le « story-telling » n’y pourra mais. La vérité est là, bien visible :

La mesure a été vidée de son sens sous la pression des milieux amis de la gauche.

La justice que F Hollande revendique comme l’axe directeur de son action est une justice à géométrie variable. La justice c’est ce qui est juste à ses yeux. Il est juste qu’un acteur gagne 5 millions d’euros pour un seul film ; il est injuste qu’un cadre d’entreprise gagne plus de 1 million d’euros.

Ce n’est pas forcément le meilleur des logiciels pour affronter la modernité et les enjeux économiques qui nous sont posés.