La campagne présidentielle avait vu le futur ministre Bernard Cazeneuve atteindre des sommets dans l’outrance quand il avait utilisé le terme d’évasion fiscale pour qualifier le système de quotient familial. A sa décharge, il n’était alors qu’en campagne électorale, sans mandat, ou plutôt intervenant hors de ses mandats de l’époque.

Il a été rejoint sur les sommets de l’outrance par Mme Sandrine Mazetier, députée, lors de sa récente intervention en Commission des finances.

Mme Mazetier a félicité le gouvernement d’avoir supprimé le dispositif de prélèvement forfaitaire libératoire, dispositif qu’elle a qualifié de véritable délit d’initié; rien que cela !

Dans « délit d’initié », il y a « délit » et il y a "initié".

Un délit est, en droit :

- soit un fait juridique fautif ayant causé un dommage à autrui, que l'auteur doit dédommager, notamment par le paiement de dommages-intérêts : délit civil ou quasi-délit;

- soit une infraction pénale, qui est, en France jugée par un tribunal correctionnel : délit pénal.

Le délit d'initié est, plus particulièrement, un délit boursier que commet une personne qui vend ou achète des valeurs mobilières en se basant sur des informations dont ne disposent pas les autres ; l'utilisation ou la communication d'éléments privilégiés peuvent permettre des gains illicites lors de transactions boursières, qui sont interdits par la règlementation de contrôle des marchés financiers. On dit d'une personne qu'elle est initiée soit en vertu de ses fonctions de direction d'une entreprise cotée en bourse, soit parce que, dans l'exercice de ses fonctions, elle est amenée à détenir des informations privilégiées. Le code des marchés financiers réglemente le délit d'initié en disposant que l'initié qui aura réalisé ou permis de réaliser sur le marché boursier, directement ou par personne interposée, une opération avant que le public ait connaissance des informations privilégiées, commet un délit. Le délit d'initié fait partie des situations couvertes par la Directive européenne sur les abus de marché.

Comparer le dispositif du prélèvement libératoire à un délit d’initié est évidemment stupide et outrancier. Sans doute, Mme Mazetier reconnaitra que ses mots ont dépassé sa pensée et conviendra que la définition de «délit d’initié» ne s’applique en rien au dispositif du prélèvement libératoire.

Pour qu’il y ait délit, il faut en effet un auteur et un comportement fautif. Utiliser en toute transparence un dispositif parfaitement légal n’est pas un comportement fautif et les bénéficiaires du prélèvement libératoire ne sont fautifs de rien.

Quand à la notion de « délit d’initié », on est là complètement à contresens puisque le bénéficiaire du prélèvement libératoire, se détermine à partir des informations ouvertes à tous et ne bénéficie d’aucune information privilégiée.

Dans son développement, Mme Mazetier a précisé qu’elle reprochait en fait au système de prélèvement forfaitaire d’avoir été utilisé à bon escient par ceux qui étaient biens informés et à mauvais escient par d’autres qui l’avaient utilisé contre leurs intérêts.

Ainsi, selon Mme Mazetier, le délit serait donc d’interpréter correctement une information publique, connue de tous, et la victime du délit serait celui qui interprète mal et à son préjudice l’information publique.

Il faut rappeler à Mme Mazetier que les agissements contraires à l’intérêt de leur auteur n'ont jamais constitué un délit, ni pour les auteurs, ni encore moins pour les tiers. Pour le dire plus brutalement : n'en déplaise à beaucoup, la connerie n'est pas un délit.

Mais il est en fait assez improbable, contrairement à ce que dit la députée, que beaucoup de contribuables se soient ainsi fourvoyés ; les bataillons d’épargnants modestes qui auraient, à tort, choisi le prélèvement forfaitaire n’existent vraisemblablement que dans l’imagination de la députée ou dans celle de l'attaché parlementaire qui lui a rédigé son intervention. Les contribuables français ne semblent pas dénués d'intelligence pour comprendre qu'on n'a pas intérêt à un prélèvement forfaitaire à 19 ou 24% si son taux d'imposition marginale est inférieur. De plus, au moment de la souscription d’un instrument d’épargne ou d’investissement, l’intermédiaire financier appelle systématiquement l’attention de l’épargnant sur les options ouvertes. L’intermédiaire, le plus souvent le conseiller personnel au sein de l’agence de banque ou postale, connaît son client et réagit immédiatement à un choix contraire aux intérêts de l’épargnant.

Qu’une députée fasse un tel contre sens est tout sauf dérisoire.

Les députés sont désignés dans une circonscription, mais leur mandat est de voter la loi, dans l’intérêt de tous, sans considération des intérêts particuliers de la circonscription ni de ceux du parti d’origine. La responsabilité du député est immense ; elle appelle un travail approfondi. Le débat parlementaire se doit d’être tenu en vérité et en précision ; et la précision des mots et des idées est essentielle.

En faisant un tel contre sens, en accusant de comportement délictuel des contribuables parfaitement en règle, Mme Mazetier a ainsi gravement manqué à des obligations tout à fait essentielles au bon exercice de la démocratie.

En s’embarquant aussi légèrement sur un sujet sans vérifier ni analyser les faits, Mme Mazetier a aussi manqué à ses obligations d’approfondissement et de sincérité dans l’action parlementaire.